samedi 16 mars 2019

Tunis met le turbo pour récupérer les fonds Ben Ali en Suisse

Vendredi 2 Novembre 2018 par Maryline Dumas à Tunis

Maghreb
Le gouvernement tunisien veut récupérer les avoirs de la fille du dirigeant déchu avant la fin de l’année.


Les avoirs suisses de Cyrine Ben Ali, fille du dictateur déchu Zine el-Abidine Ben Ali, et ceux de Slim Zarrouk, un de ses gendres, sont les prochains sur la liste. Tous deux possèdent des comptes dans le pays, qui ont été gelés en 2011 après la révolution. Les autorités tunisiennes espèrent récupérer ces fonds d’ici à la fin de l’année. Ils viendront grossir la somme record amassée en 2018 grâce à la vente de biens confisqués au clan Ben Ali.
Lorsque le régime chute en 2011, les biens de plus d’une centaine de personnes sont saisis, considérés comme issus de malversations financières ou volés. Voitures, villas, entreprises ou parts sociales sont confisquées. Les comptes bancaires, eux, sont gelés. La valeur totale de ces biens est inconnue. «Il est tout à fait possible que nous n’ayons pas tout identifié, explique Mounir Chedly, conseiller principal du chef du contentieux tunisien. Il y a des montages financiers difficiles à dénouer.»
«Preuves accablantes»
En Suisse, près de 63 millions de francs au nom d’une dizaine de personnes ont été gelés. À l’heure actuelle, seuls 3,66 millions ont été récupérés par la Tunisie. «Il y a une très bonne coopération avec la Suisse, mais les procédures prennent du temps. Nous devons prouver que les biens ont été mal acquis. En face, les personnes dont les avoirs ont été confisqués protestent. L’ancien président, par exemple, clame son innocence et refuse tout accord», détaille Mounir Chedly.
À l’opposé, Cyrine Ben Ali et Slim Zarroug, eux, ont accepté une restitution par anticipation: «Leurs avoirs en Suisse devraient nous être transférés avant la fin de la procédure. S’ils acceptent, c’est parce que les preuves sont accablantes et que cela leur permet de profiter d’une mesure d’amnistie en Tunisie», justifie Ali Hammami, le chef du contentieux de l’État. Celui-ci refuse de révéler le montant en jeu, d’autant plus que la Suisse prélèvera un pourcentage – fixé généralement entre 2 et 3%, un taux jugé raisonnable par les autorités tunisiennes – en dédommagement des procédures judiciaires entamées, selon la Convention de 2003 des Nations Unies.
Des millions vite réinjectés
En Tunisie, ces avoirs seront versés sur le compte «N72». Ils rejoindront le fruit des ventes des biens confisqués entreprises dès 2012. Ces «gains» seront dédiés au développement des régions démunies. Mais le bilan n’est pour le moment guère enthousiasmant. En mars 2018, le compte n’affichait qu’un excédent de 3,47 millions de francs alors qu’il avait reçu la somme colossale de 450 millions: «Nous avons dû renflouer certaines sociétés confisquées en faillite. Et certains biens nous coûtent extrêmement cher en entretien, comme la résidence de l’ancien président, qui nécessite chaque année 7 millions de francs», estime Mounir Chedly.
La Tunisie enregistre cependant de nets progrès. En 2017, les ventes de biens confisqués ont rapporté 67,62 millions de francs. Cette année, elles devraient dépasser le chiffre record de 249 millions. «À son arrivée au gouvernement [en août 2016], le premier ministre Youssef Chahed a mis en place de nouveaux axes stratégiques. Il y a une réelle volonté de liquider ces dossiers», estime Adel Grar, manager d’Al Karama Holding. Cette dernière est chargée de la vente des sociétés confisquées.
Porsche Carrera à vendre
Si de grosses entreprises sont en cours de vente, comme le port de croisière Goulette Shipping Cruise ou des parts chez Orange Tunisie, Adel Grar s’attend à un ralentissement l’année prochaine: «Il va nous rester beaucoup de coquilles vides – des sociétés qui ne possèdent qu’un terrain avec un projet jamais commencé –, des situations bloquées dans lesquelles le pacte des actionnaires offre des droits de préemption aux partenaires alors que la loi sur les biens confisqués m’oblige à faire un appel d’offres, ou des cas compliqués avec des dettes, des possibles grèves de personnel…»
Les autres biens restants ne sont pas plus faciles à écouler. «Il va falloir faire participer les étrangers, comme pour la vente des voitures de luxe», juge Ali Hammami. Difficile effectivement d’imaginer un acheteur tunisien pour la Porsche Carrera 4S du fils Ben Ali, affichant 20 km au compteur, dans un pays où le salaire mensuel minimum s’élève à 132 francs.
(24 heures)


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