samedi 29 juin 2019

Trois artistes suisses en Tunisie : Entre sculpture, céramique et poésie

Par Hatem Bourial - 17 juin 2019 - 12:02

La présence culturelle suisse est toujours fort visible en Tunisie avec un flux d’échanges qui se déploie sur plusieurs niveaux. Ces derniers jours, les activités sont intenses avec le chevauchement de trois visites d’artistes suisses réputés.
L’artiste plasticienne Antoinette Deley est ainsi parmi nous et expose actuellement et jusqu’au 30 juin, ses tableaux et sculptures à la galerie Essaadi à Carthage.
D’autre part, la céramiste Anne Francey est à l’origine d’un projet monumental qui prendra la forme d’une fresque sur la façade de la Maison Ibn Rachiq. Cette fresque sera dévoilée le 25 juin prochain.
Enfin, le poète suisse Philippe Rebetez vient de participer à une rencontre littéraire à Sidi Bou Said. Une coincidence de calendrier qui souligne le dynamisme des programmes culturels suisses en Tunisie.
Antoinette Deley

samedi 22 juin 2019

Des maires tunisiens à l’école de la démocratie directe

Article paru le 25 juin, écrit par Isolda Agazzi

Huit maires tunisiens sont venus à Genève découvrir le système fédéral suisse. Dans le but, non de le copier, mais de s’en inspirer pour asseoir le processus de décentralisation et relever les nombreux défis de la jeune démocratie, à commencer par la gestion de l’environnement et la faiblesse de la participation citoyenne.
«Genève a été à la pointe de l’opposition à l’ancien dictateur Ben Ali», s’enthousiasme Jalel Matri, président de l’association Le Pont qui promeut des échanges citoyens entre la Suisse et la Tunisie. L’ONG a invité en Suisse 8 maires tunisiens de différentes sensibilités politiques pour rencontrer les autorités communales et fédérales, dans le but de les aider à mieux gérer leurs municipalités.
Jalel Matri poursuit: «Les défenseurs tunisiens des droits humains venaient aux réunions des organisations internationales et nous les avons soutenus et accompagnés dans leur combat. Depuis la révolution de 2011, nous aidons à construire la jeune démocratie depuis Genève.»
Membre de l’exécutif de la ville, Rémy Pagani abonde: « La Ville de Genève a une attache très forte avec la Tunisie car elle a toujours soutenu les opposants. Lors de sa première venue en Suisse, Moncef Marzouki, le premier président démocratiquement élu, est venu nous remercier personnellement.»
Le 12 juin, les maires – quatre hommes et quatre femmes – étaient invités au Palais Eynard (mairie) pour assister à une conférence du professeur de droit François Bellanger portant sur la décentralisation et la démocratie directe.
Premières élections municipales de l’histoire de la Tunisie
D’emblée, la décentralisation a été inscrite dans la nouvelle constitution tunisienne de 2014. En avril 2018, le parlement a adopté le code des collectivités locales et les premières élections municipales libres et démocratiques ont eu lieu le 6 mai 2018. Les conseils municipaux ont été élus pour cinq ans et ils ne sont donc pas concernés par les élections législatives et présidentielles qui se tiendront à la fin de cette année. Fiscalement, les communes tunisiennes sont partiellement autonomes: elles se financent en prélevant certains impôts, comme les taxes locatives et celles sur les terrains non bâtis, et en recevant des transferts de fonds de l’Etat. «Mais nous comptons avoir plus d’autonomie fiscale dans les années à venir», précisent les maires.
«Le code des collectivités locales n’est que le premier pas sur le chemin de la décentralisation. Une trentaine d’actes législatifs sont en cours de préparation pour le mettre en œuvre et transférer les compétences au niveau local. Nous ne sommes pas ici pour copier le modèle suisse, mais pour nous en inspirer dans notre transition démocratique», nous confie Faouzi Boussoffara, maire adjoint de Djerba Houmek Souk.
 « Processus irréversible », malgré la difficulté de faire participer la population
Son principal souci, c’est la gestion de l’énorme masse de déchets produits par le million de touristes qui visitent l’île de Djerba chaque année. «C’est un sujet de discorde, reconnaît-il. Il n’y a pas de solidarité au niveau du gouvernorat. On se dirige donc vers une structure intercommunale de gestion des déchets avec les trois communes de l’île à laquelle participeront es structures professionnelles, patronales et syndicales et les autres composantes de la société civile – une première en Tunisie.» Un souci largement partagé par les autres maires présents, très intéressés par la gestion des ordures en Suisse, où elle est du ressort des communes.
«Votre expérience de la démocratie directe est très jolie, mais notre problème, c’est le manque d’habitude des citoyens à participer à la prise de décisions, s’exclame Imen Sahnoun, maire adjointe de Al Ain, dans le gouvernorat de Sfax. Les citoyens sont réticents à participer aux élections. Le taux de participation est à peine de 30%. Dans les conseils municipaux, ils ne s’impliquent pas, même pour soutenir les élus. Quelle stratégie de communication adoptez-vous pour avoir des citoyens aussi avertis ?»
François Bellanger concède qu’en Suisse aussi, la participation aux élections tourne autour de 30 – 40%. «Mais ceux qui n’ont pas voté acceptent les décisions de la majorité. C’est la pratique qui va amener la participation démocratique, avec des débats dans les associations, les médias, en groupe… La liberté d’expression est le bien le plus précieux.»
Malgré tout, Imen Sahnoun est optimiste : «Le transfert de compétences vers les communes va se faire progressivement, mais rapidement. L’être humain aime le pouvoir, mais au niveau du gouvernement, ils n’ont pas d’autre choix que de décentraliser. C’est un processus irréversible. On sent une volonté de faire échouer cette tentative, mais nous avons une société civile extraordinaire qui travaille sur le terrain, observe, dérange. Et qui devient de plus en plus forte depuis la révolution.»
Maroua Dridi qui, à 26 ans, est la plus jeune maire de Tunisie, espère nouer des partenariats avec des communes suisses, comme cela a déjà été fait avec des communes françaises.
Dans une analyse qui vient de paraître, l’International Crisis Group relève que le processus de décentralisation tunisien est de plus en plus clivant. Vu l’austérité budgétaire, il appelle les bailleurs internationaux à augmenter leur soutien. A partir de 2021, la Direction du développement et de la coopération (DDC, coopération suisse) prévoit d’augmenter son soutien au processus de décentralisation en Tunisie.

samedi 15 juin 2019

SUISSE IGNAZIO CASSIS REÇOIT SON HOMOLOGUE TUNISIEN

Créé le 28 février 2019

Ignazio Cassis et Khemaies Jhinaoui ont notamment évoqué la coopération internationale au développement et signé une déclaration d'intention.


Ignazio Cassis et son homologue tunisien Khemaies Jhinaoui ce 28 février 2019. Image: Keystone

Le conseiller fédéral Ignazio Cassis a reçu son homologue tunisien Khemaies Jhinaoui ce 28 février 2019 à la Maison de Watteville, où ils ont d'abord eu un entretien en tête-à-tête avant d'être rejoints par leur délégation, indique le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).
Dans son message de bienvenue, Ignazio Cassis a félicité Khemaies Jhinaoui pour les développements politiques enregistrés en Tunisie depuis la chute de l'ancien président Ben Ali en 2011. Il a encouragé les autorités tunisiennes à continuer sur cette voie.
Lors d'un point de presse, le ministre tunisien des affaires étrangères a salué les relations «exemplaires» entre les deux pays, qu'il souhaite encore davantage développer dans un échange «gagnant-gagnant». Il a par exemple souligné l'expérience suisse dans les hautes technologies.
Déclaration signée
Au niveau bilatéral, les deux ministres ont parlé de la coopération internationale au développement et signé une déclaration d'intention. La Suisse a en effet établi une stratégie de coopération avec la Tunisie.
Celle-ci comporte trois axes prioritaires: la transition démocratique, le développement économique, ainsi que la protection et la migration. L'enveloppe de la Confédération pour la Tunisie devrait avoisiner les 20 millions de francs pour 2019.
Durant l'entretien, Ignazio Cassis s'est également félicité de la coopération entre les deux pays dans le cadre du partenariat migratoire, qui «fonctionne bien». Il a notamment mentionné l'aide au retour et à la réintégration.
Augmenter les échanges
La nécessité d'intensifier les échanges économiques entre la Suisse et la Tunisie a aussi été évoquée. «Il s'agit d'augmenter les échanges et les investissements», a précisé Ignazio Cassis.
Ce dernier a par ailleurs annoncé le lancement d'un programme d'appui à la culture en Afrique du Nord. Il sera mis en oeuvre en collaboration avec le Arab Fund for Arts and Culture.
Au niveau politique, la Suisse s'engagera à nouveau pour la réussite des élections législatives et présidentielles prévues en Tunisie cette année. La Confédération soutient depuis 2011 l'organisation des élections, notamment par le biais des autorités électorales nationales.
Fonds bloqués
La question des avoirs de l'ex-président Ben Ali, gelés en Suisse depuis 2011, a également figuré au menu des discussions. Ce blocage, qui portait sur un montant initial de 60 millions de francs, a été prolongé à plusieurs reprises par la Suisse, la dernière fois en décembre dernier, pour un an de plus.
A ce jour, seule une petite partie des fonds bloqués en Suisse a pu être restituée à la Tunisie. «Nous avons versé 250'000 francs en 2016 et quelque 3,5 millions l'année suivante», a rappelé Ignazio Cassis lors du point de presse.
Pour de plus amples restitutions, il est nécessaire que les procédures judiciaires avancent en Tunisie et aboutissent à des jugements démontrant l'origine illicite des avoirs, a rappelé le conseiller fédéral. Pour l'heure, la procédure poursuit son chemin administratif.
«Nous souhaitons accélérer sur ce dossier», a confirmé Khemaies Jhinaoui, qui a salué «l'étroite coopération» avec la Suisse à ce sujet. Une issue positive est espérée d'ici à 2021, a précisé Ignazio Cassis. (ats/nxp)

samedi 8 juin 2019

«La burqa? L’interdire est contraire à la liberté»








Par Gabriel Sassoon 22.03.2019


ReligionLe Centre suisse islam et société, à, Fribourg lance un nouveau master. Questions d’actualité à son directeur, Amir Dziri.


Le Centre suisse Islam et Société s’étoffe. Cet automne, l’institution rattachée à l’Université de Fribourg proposera un master complet sur l’islam, présenté comme unique en Europe. «Il est ouvert à toutes les personnes qui souhaitent interroger cette religion d’un point de vue académique, une demande particulièrement pressante de la part des musulmans de Suisse», expose Amir Dziri. L’Allemand de 34 ans, d’origine tunisienne et musulman, a suivi des études en islamologie outre-Rhin. Terrorisme d’extrême droite et islamiste, reconnaissance de l’islam, laïcité: Amir Dziri répond à nos questions.
Amir Dziri est directeur du Centre suisse Islam et Société, à Fribourg.Image: DR
Une attaque terroriste vient de frapper les musulmans néo-zélandais, à Christchurch. Vous êtes inquiet?
Je suis triste. Comme après les attaques du Bataclan ou contre la rédaction de «Charlie Hebdo», à Paris. Je fais le lien car il est important de montrer que ces actes ont un point commun: ce n’est pas une religion, une entité définie, qui crée la violence, mais une idéologie de haine globale qui gagne de l’ampleur. Pour justifier son existence, elle peut invoquer la supériorité de la race blanche, comme à Christchurch, mais elle peut aussi se baser sur une lecture restrictive du Coran. Dans ce dernier cas, il faut faire attention de ne pas se laisser aller à un discours essentialisant qui stipulerait que ce sont les religions qui mènent au terrorisme.

Vous évoquez une lecture sélective du Coran. Le fait est que ces textes existent. N’est-ce pas problématique?
Ces sources jouent en effet un rôle, un terroriste retiendra les passages qui correspondent à son idéologie. Mais celui-ci est secondaire par rapport au besoin de justification initiale. Il suffit de voir le quotidien de l’immense majorité des musulmans, qui mènent une vie pacifique.

Si elle ne trouve pas sa source dans la religion, d’où vient alors cette violence?
Des personnes elles-mêmes. Si on compare toutes les biographies de terroristes, les mêmes caractéristiques ressortent, comme la frustration ou des indices préexistants d’un potentiel de violence, visibles parfois dans un long passé criminel.

L’islam n’est pas une religion conquérante menaçant les valeurs occidentales comme le décrit le pasteur Keshavjee dans son dernier livre?
Cette question n’a pas de sens. À certaines périodes de l’histoire, des dynasties se sont basées sur des textes religieux pour justifier leurs ambitions hégémoniques, mais d’autres ont eu une lecture inverse pour soutenir des règnes paisibles. L’islam n’est pas un fait abstrait que l’on peut essentialiser. Au même titre qu’il n’est pas conquérant, on ne peut pas parler d’un islam de paix.

Que faire alors pour empêcher que des textes servent à justifier la violence?
Il faut contextualiser. Se confronter à des passages pour comprendre dans quoi ils s’inscrivaient. Les musulmans doivent s’y atteler. Si un passage semble appeler à tuer les infidèles, on trouvera plus loin un désir de promouvoir la paix. En examinant attentivement les sources, on arrive à des conclusions raisonnables.

La demande de reconnaissance de l’islam par l’État, notamment dans le canton de Vaud, se heurte à des résistances. Celles-ci invoquent un conflit de valeurs. Que leur répondez-vous?
On ne peut pas accuser des associations musulmanes de s’isoler puis refuser leur souhait de participer au pacte politico-social suisse. La majorité des musulmans se considère avant tout comme suisse et respecte les valeurs du pays. Pour eux, reconnaître la primauté du droit suisse par rapport à la charia n’est pas un problème. La situation est autre pour les groupes religieux fondamentalistes, et peut aussi poser problème pour des communautés avec une histoire d’immigration plus jeune.

Mais qu’en est-il de l’égalité entre les sexes? Le port de la burqa est mis en avant pour illustrer l’incompatibilité de valeurs.
Les sources islamiques essaient d’établir une relation équilibrée entre hommes et femmes. Mais il est vrai que les communautés musulmanes ont besoin de débattre sur les relations entre hommes et femmes et la sexualité. Les musulmanes font de plus en plus entendre leur voix, mais elles sont encore peu prises en considération. Comment leur donner une place dans leur religion quand ce sont les hommes qui dominent les discours religieux? S’agissant de la burqa, elle ne correspond pas à la culture européenne et même du point de vue religieux elle est fortement contestable, mais l’interdire est contraire à la liberté individuelle. Et le conflit n’existe pas puisqu’en Suisse ce vêtement est quasi inexistant.

Quel est votre avis sur la nouvelle loi sur la laïcité genevoise?
Je comprends la volonté d’établir une limite stricte à l’égard de tous les symboles religieux. Mais on constate que ces règles touchent principalement les minorités musulmanes. Le risque, c’est que des femmes voilées ne travaillent plus et se trouvent marginalisées. Une approche plus pratique consiste à essayer de déterminer si le voile est porté comme instrument politique servant à diffuser une idéologie, comme expression d’une identité culturelle ou religieuse. (24 heures)




samedi 1 juin 2019

Un chercheur de l’IHEID arrêté en Tunisie



Créé: 29.03.2019

GenèveMoncef Kartas enquêtait, pour l’ONU, sur des trafics d’armes à la frontière entre la Tunisie et la Libye.


Un chercheur de l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) a été arrêté à Tunis. Moncef Kartas a été mis en détention mardi soir à sa sortie de l’aéroport international de Tunis-Carthage. Il aurait été appréhendé par une douzaine d’agents des services de sécurité, selon le site tunisien «Univers News».



Image: DR


Le gouvernement tunisien a indiqué vendredi que Moncef Kartas est soupçonné d’espionnage. Tunis aurait ordonné l’arrestation de plusieurs personnes travaillant pour un pays européen, dont Moncef Kartas, suite à une longue filature et la saisie d’équipement pouvant intercepter des communications et suivre les mouvements de plusieurs personnalités.

Des sources estiment que cette arrestation serait plutôt liée au fait que Moncef Kartas enquête pour l’ONU sur les trafics d’armes à la frontière tuniso-libyenne. Le secrétaire général de l’ONU l’a nommé en 2016 membre du groupe d’experts des Nations Unies sur la Libye. Le rapport que prépare Moncef Kartas indiquerait que le blocus onusien sur les armes en Libye aurait été violé par la Turquie et le Qatar, via la Tunisie. Il épinglerait des leaders politiques tunisiens.
Moncef Kartas se trouvait régulièrement à Genève de 2005 à 2016. Le citoyen allemand, d’origine tunisienne, est titulaire d’un doctorat en relations internationales de l’IHEID depuis 2010. Il a par la suite collaboré avec Keith Krause, professeur du même institut, sur un projet financé par le Fonds national suisse portant sur les transformations des institutions sécuritaires dans le sillage du Printemps arabe en Tunisie, terminé en 2016. Moncef Kartas a aussi collaboré avec une ONG genevoise, Small Arms Survey, établie dans la Maison de la paix.
«Moncef est un chercheur reconnu et respecté de longue date. Je suis très surpris par les accusations d’espionnage à son encontre», estime Keith Krause. «Les autorités tunisiennes doivent le relâcher immédiatement ou au moins lui donner accès à un avocat», dénonce la directrice de Human Rights Watch pour l’Afrique du Nord, Sarah Leah Whitson.
«Nous sommes en contact avec les autorités tunisiennes pour connaître les raisons de son arrestation et de sa détention et les conditions dans lesquelles il est détenu. Les experts en mission pour les Nations Unies, comme Monsieur Kartas, sont couverts par la Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies», signale un porte-parole de l’ONU. Une source ajoute que le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, sera ce week-end à Tunis dans le cadre du sommet de la Ligue arabe et qu’il va demander des explications sur cette affaire.