mercredi 11 avril 2018

Ces binationaux qui font gagner la Suisse

 Publié le 10 novembre 2009

Historique: l'équipe des moins de 17 ans joue jeudi une demi-finale de Coupe du monde. Grâce une brochette de secundos. Portrait de famille d'un des héros, Nassim Ben Khalifa.

Cela ressemble à un joli pied de nez. Alors que la campagne pour interdire les minarets surfe sur la peur de l'invasion musulmane et, en toile de fond, le rejet de tout ce qui peut porter atteinte à l'identité suisse, le pays entier s'extasie sur les exploits des jeunes footballeurs de moins de 17 ans, dont la moitié de l'effectif est d'origine étrangère. En guise de porte-drapeau de cette génération de secundos: Nassim Ben Khalifa, Tunisien d'origine, devenu d'un coup d'un seul héros de la nation grâce à ses buts décisifs.

Dans un pays oscillant entre volonté d'intégration, peur de naturaliser et, parfois, irrespect des différences, ce rôle n'est pas une mince affaire. Comment le jeune Nassim et ses parents vivent-ils cette soudaine notoriété? Portrait de famille.

L'’intégration: un sujet délicat

L'’assimilation des secundos est un phénomène largement répandu dans les pays d'’immigration, explique Raffaele Poli, sociologue à l’'Institut des sciences du sport à l’Université de Lausanne. Mais en Suisse, la question de la nationalité est difficile. C’est une démarche longue, coûteuse et il n’'existe pas de passe-droit, comme en France. Le football est-il un vecteur d'’intégration? Le sociologue est mitigé. «Le sport offre des possibilités, mais il n’'efface pas les inégalités plus larges.»
 
«On représente la mixité sociale, c'est génial»

Un pied en Tunisie, le cœur en Suisse. Chez les Ben Khalifa, la famille, c'est sacré. Quand Nassim parle de football, il évoque souvent son père, qui le suit quand il peut pour voir ses matches. Ou sa mère, «très émotive», qui s'inquiète dès qu'il chute sur le terrain. Quand on demande à sa mère, Samira, si elle est fière de son fils, elle répond qu'évidemment, elle en est fière, mais elle ajoute: «Je suis fière de mes fils.»

Arrivé il y a trente ans dans le canton de Vaud en provenance de Tunisie, Hedi Ben Khalifa, le père, a entrepris des études pour devenir éducateur. Son épouse l'a suivi huit ans plus tard. «C'était un changement radical. En Afrique, les gens sont les uns sur les autres. Ma priorité en arrivant en Suisse était de me faire des amis, et l'intégration s'est passée sans problème», se souvient-elle. Samira avoue d'ailleurs se sentir bien à Prangins. Au point qu'il y a cinq ans, toute la famille s'est fait naturaliser, une étape «importante» pour Nassim. «Moi j'ai vécu là-bas, donc c'est un attachement mental que j'éprouve pour la Suisse. Nos trois fils, eux, sont nés ici, ils sont chez eux», explique l'agente immobilière indépendante.

Musulmans non pratiquants, les Ben Khalifa ne sont pas insensibles au débat qui secoue actuellement la Suisse sur les minarets. «J'avoue que je ne comprends rien à cette initiative, explique Samira. Qu'a-t-on à y gagner? Il n'y a pas de problème d'intégration avec les musulmans. Pour moi, c'est une guerre des symboles. Maintenant, nous sommes dans un pays démocratique et il faut en accepter les règles. S'il faut voter, votons.»

A 4700 kilomètres de Prangins, au Nigeria. Le jeune attaquant de GC, joint au téléphone, s'enthousiasme dès qu'on aborde le thème de la sélection nationale M17, riche en cultures diverses. « On représente la mixité sociale, on vient de partout. Je trouve ça fabuleux. Beaucoup de personnes peuvent s'identifier à nous.» Même son de cloche du côté de sa mère, en Suisse: «C'est une équipe séduisante et multiculturelle qui fait plaisir à voir. Peut-être qu'en matière d'intégration, ces jeunes joueurs symbolisent quelque chose qu'il est difficile de symboliser ailleurs que dans le sport.»

Suisse? Tunisie? Sous quelles couleurs Nassim décidera-t-il de jouer à 21 ans? «Pour l'instant, je reste en Suisse», répond l'intéressé. «Quoi qu'il choisisse, ce sera plus un choix footballistique qu'un choix nationaliste. Son identité, elle, est double, explique sa mère. Il choisira un style de jeu dans lequel il se sent bien. C'est un choix qu'il doit entreprendre et assumer seul. Mais quoi qu'il décide, nous le soutiendrons.» (Sandra Imsand/cml)

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