mercredi 21 février 2018

Paulette Charbonnier – Kaaniche, la doyenne des Suisses en Tunisie, fête ses 100 ans

Tribune | Par Angela Kontouli publié le 21.02.2018
 
La doyenne des Suisses en Tunisie, Paulette Charbonnier – Kaaniche veuve de feu Aly Kaaniche fête aujourd’hui mercredi 21 février son 100e anniversaire. Elle vit pendant les derniers 30 ans entourée de sa fille et son gendre, mais aussi de ses petits enfants et arrière-petits-enfants.
La doyenne a encore tout son esprit et une mémoire limpide. Elle a connu la fin de la 1ère Guerre Mondiale, la 2nde Guerre Mondiale, l’Indépendance de la Tunisie, le droit au vote pour les femmes en Suisse et en Tunisie et la Révolution.
Née le 21 février 1918, à Begnins dans le canton de Vaud, Paulette était la plus jeune de quatre enfants. Après son enfance en Suisse, sa mère, Anne Koela divorcée quitte la Suisse pour Paris où elle commence à travailler pour les Editions Buchet/Chastel.
Elle se rappelle de façon très vive de sa rencontre, à Paris à l’age de 20 ans, avec Aly, celui qui deviendrait plus tard son mari. Après une année de flirt elle est invitée à passer des vacances à Sfax en Tunisie pour rencontrer sa future belle-famille.



Mais, ce qui devait être des vacances de courte durée est scellé par un destin différent. La Seconde Guerre mondiale est déclarée, et Paris est occupé par l’armée allemande. Elle ne peut plus revenir chez elle. Son futur mari, décide de précipiter le mariage qui a lieu en Tunisie, sans la famille de la mariée. Jusqu’à la fin de la Guerre elle n’aura aucune nouvelle de sa famille malgré les interventions auprès de la Croix Rouge. Elle ne la reverra qu’en 1947.



De ces premières années en Tunisie, Paulette garde encore une énorme fascination. Elle se rappelle que tous les hommes dans la famille de son mari étaient bien éduqués et parlaient un français impeccable. Les femmes non, mais elles l’ont tout de suite adoptée malgré les différences.
« Je me promenais en pantalon et chemises en mousseline transparente amenant la mode de Paris à Sfax, ce qui était quasi scandaleux à l’époque » dit-elle avec un sourire espiègle. « J’étais d’ailleurs une de premières femmes à porter un pantalon même à Tunis ! Mon mari était un dandy, il aimait me voir habillée dernier cri» affirme-t-elle.

Après leur mariage, Paulette et son mari Aly vivent à Tunis où il est commerçant et importateur. Ils habitent d’abord Rue du Sabre qui donnait sur la rue du Pacha entourés de familles françaises principalement. Puis ils décident de s’installer au Kram. «A partir de 1950 mon mari a commencé à œuvrer ouvertement pour l’Indépendance.

Il avait connu, Habib Achour et Bourguiba et d’ailleurs quand Bourguiba était à Paris et qu’on devait lui remettre une lettre, on venait au magasin et lui, à son tour, l’envoyait à ma mère à Paris. Ma mère par la suite la passait à Bourguiba ».

La sanction pour son combat ne tarde pas d’arriver. En 1952 un inspecteur Corse a commencé à tourner autour de la maison. Puis une nuit, sa voiture s’est arrêtée devant la maison, et il a jeté une bombe devant la véranda. Tout le monde – Paulette, Aly, leur fille Radia qui avait 5 ans, et la mère d’Aly – dormait.


La maison bombardée par la Main Rouge
 
 
Le toit est tombé, heureusement sans faire des morts. « La déflagration était tellement importante que même les vitres des maisons voisines sont parties en éclats ! Regarde, touche ce tableau », m’incite elle, « tu sens les morceaux métalliques ? C’est les éclats de la bombe ! J’aurais pu le réparer, mais je le garde comme ça, pour me rappeler… ».

La mère d’Aly sortie difficilement sous les décombres a dû être hospitalisée mais s’en est sortie. La presse de l’époque a évoqué la Main Rouge. Quelques jours plus tard Aly partait en Suisse pour mettre sa famille à l’abri, qui n’est revenue qu’en 1955, d’ailleurs dans le même bateau que Habib Bourguiba, le paquebot Ville d’Alger…

Paulette Charbonnier-Kaaniche parle de la Tunisie, avec amour et respect. Elle dit y avoir vécu une vie pleine et agréable, entourée toujours par sa famille et des amis.

Elle démarre son anniversaire de 100 ans avec des bonnes résolutions : après avoir fumé pendant 70 ans et notamment des cigarettes Cristal (paquet souple) elle décide d’arrêter de fumer. « Je ne suis pas sûre que fumer est mauvais pour la santé, mais on dit que ça fait des rides » dit elle en rigolant !

Nous lui souhaitons un Joyeux Anniversaire et plein d’autres encore à venir !

 

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