Parmi ces projets, le Projet de Production Propre Tunisien
(PPPT), sous l’égide de l’ONUDI (Organisation des Nations pour le Développement
Industriel), a permis de faire collaborer différents acteurs nationaux et
internationaux : SECO
(Secrétariat d’Etat à l’Economie Suisse), CITET
(Centre International des Technologies de l’Environnement de Tunis), ANME (Agence Nationale de Maîtrise de
l’Energie), l’entreprise privée suisse Sofies
en tant que centre de référence international, etc.. Avec une durée prévue de 5
ans, couvrant la période 2010-2014, ce projet a été financé principalement par
le SECO à hauteur de 2.5 M€, et, en partie, par le CITET. Il vise à former de
multiples entreprises et professionnels tunisiens, en transmettant un
savoir-faire environnemental et de gestion durable des ressources et en mettant
en place des stratégies de formations.
Différents professionnels suisses ont pu
travailler sur ce projet. Bernard BONJOUR, ingénieur-conseil auprès du cabinet
suisse EnerConseil, a pu prendre
part au projet en réalisant des missions d’audits et en formant des ingénieurs
tunisiens à de meilleures pratiques. Fort d’une expérience de plus de 15 ans
dans l’audit et le conseil énergétique et ayant travaillé sur des projets de
tailles importantes, il donne ici son avis sur le contexte tunisien.
Interview Bernard Bonjour :
Vous avez eu la possibilité de travailler
dans le cadre du PPPT et collaborer avec différents acteurs impliqués dans
l’écologie industrielle tunisienne. Pouvez-vous nous expliquer plus en détails
quelle a été votre mission et celle du cabinet EnerConseil dans le projet ?
Bernard Bonjour : La mission
d’EnerConseil dans le cadre de ce projet est double : d’une part les audits
énergétiques dans les entreprises participant au projet et qui ont manifesté un
intérêt et/ou un potentiel dans ce domaine et d’autre part la formation de
jeunes ingénieurs à l’optimisation et à l’efficience énergétique dans
différents domaines techniques (production/distribution de froid et de chaleur,
air comprimé, éclairage, ventilation, énergies renouvelables, etc.). Les audits
énergétiques menés dans le cadre de ce projet visent à proposer des pistes
d’amélioration et d’économies concrètes en vue d’une réalisation.
A la suite de cette mission, quel regard
portez-vous, de manière globale, sur le potentiel d’économies et de bénéfices
écologiques qui peuvent être concrétisés en utilisant une approche
d’optimisation énergétique dans les secteurs que vous aviez pu observer ?
BB : Globalement le niveau de
performance des installations techniques en Tunisie est plutôt faible, parfois
en raison d’un manque de moyens pour les maintenir dans un bon état de marche.
En conséquence, le potentiel d’économies dans le domaine de l’énergie est en
général plutôt élevé, dans la plupart des cas avec des mesures relativement
simples qui consistent souvent à mettre en place un programme de maintenance
préventive des installations et de corriger les plus gros défauts (isolation,
fuites, etc.). La gestion des installations techniques est souvent manuelle ou
semi-automatique, induisant ainsi des gaspillages importants. La mise en œuvre
d’une gestion/commande plus intelligente et en adéquation avec les besoins
réels constitue également une sérieuse piste et source d’économies.
Plusieurs responsables d’établissement se
montrent réticents à l’idée d’engager des investissements pour réduire leurs empreintes
énergétiques. Pourtant, il semble que, même dans un pays assez avancé sur
l’engagement écologique comme la Suisse, des bénéfices peuvent être tirés. Le
temps de retour sur investissement est-il si important pour justifier de telles
prudences ?
BB : Notre expérience et notre
analyse sur site en Tunisie montre que bon nombre de mesures présentent une
bonne rentabilité, et ce malgré un prix de l’énergie largement inférieur à ceux
pratiqués en Suisse. Cependant, de nombreuses entreprises peinent à investir
dans cette démarche pour mettre en œuvre les mesures proposées, en général en
raison de manque de liquidités ou encore d’un manque de visibilité à
court/moyen termes. Le climat d’insécurité qui règne dans certains secteurs
(touristique notamment) ne favorise pas la vision à moyen terme et les
investissements nécessaires.
La démarche de production propre ne
renferme pas uniquement l’aspect matériel des actions. Des évolutions au niveau
des pratiques humaines doivent être faites n’est-ce pas ?
BB : En effet, la
sensibilisation des utilisateurs ainsi que des exploitants aux aspects
d’économies d’énergie représente un point important de la démarche. Ceci
d’autant plus dans un pays comme la Tunisie qui est encore peu sensibilisé en
comparaison d’autres pays en Europe par exemple. Il est clair que l’avenir
énergétique d’un pays va dépendre des générations futures et donc de leur
sensibilisation à cette problématique. Par contre, il ne faut pas perdre de vue
que les campagnes de sensibilisation ont un impact limité, surtout si elles ne
sont pas répétées dans le temps.
Au vu des professionnels tunisiens que
vous aviez rencontrés, la Tunisie a-t-elle les hommes nécessaires pour mener à
bien les améliorations nécessaires ?
BB : Les responsables tunisiens
disposent en général d’un bon niveau de formation et possèdent les compétences
nécessaires pour mener à bien les mesures d’amélioration proposées. La
formation proposée dans le cadre de ce projet est là aussi pour augmenter ces
compétences pour augmenter les chances de réussite. Il nous semble que le
principal obstacle pour la réalisation des mesures proposées est d’ordre
économique (manque de ressources pour les investissements éventuels) ou encore
question de motivation (direction, etc.).
Le climat Tunisien a ses spécificités,
avez-vous remarqué des axes d’actions prioritaires ?
BB : Il est clair que, sous le
climat chaud de Tunisie, les audits énergétiques menés dans les différentes
entreprises avaient comme priorité la meilleure gestion de la production et
distribution de froid (climatisation) qui représente un gros consommateur
d’électricité. Mais il ne faut pas pour autant négliger les besoins en chaleur
liés au processus de fabrication notamment. L’exploitation de l’énergie solaire
représente également un axe de développement important, même si pour l’instant
ce type de mesures présente en général une rentabilité faible par rapport aux
mesures d’optimisations des installations existantes.
En Suisse, des associations telles que la
SIA, publient des référentiels destinés aux professionnels pour les aider dans
leur travail. Comment ces associations là collaborent-elles ensemble au sujet
d’un environnement spécifique pour enrichir l’expérience collective ?
BB : La SIA (Société des
Ingénieurs et Architectes) en Suisse publie un grand nombre de normes et
recommandations techniques liées aux bâtiments et à leurs installations
techniques. Ces normes sont mises à disposition des professionnels et des
séminaires ou des formations sont organisées pour clarifier les notions
abordées. L’ensemble de ces documents vise à améliorer la qualité technique et
la performance énergétique des constructions et sert de base à notre
réglementation. Ce type de normes ou recommandations adaptées au contexte
tunisien serait à mon sens une bonne base de travail ; en général les normes
SIA ont leur équivalent européen et en sont souvent inspirées.
La réglementation a aussi suivi les
réalités technologiques ?
BB : Il est clair que la
réglementation (en Suisse pour le moins) suit les réalités et les progrès
technologiques, parfois même en les anticipant. Par exemple, les performances
demandées par la SIA au niveau des machines de froid étaient, au départ,
quasiment impossibles à satisfaire avec le matériel existant ; ceci a aussi
poussé les fabricants à améliorer les performances de leurs équipements et les
ingénieurs à améliorer la conception de leurs systèmes !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire