Conséquence du réchauffement
climatique : certaines espèces annulent leur départ automnal vers le Sud
et se sédentarisent, comme le chardonneret élégant. Image : Ghislain38
(licence CC)
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27 juillet 12 - Les oiseaux
migrateurs sont un indicateur majeur du réchauffement climatique. Dans le
cadre de l’opération Enquête d’Ailleurs, reportage entre deux escales en
Europe et en Afrique, pour ces volatiles dont le cycle de vie subit de grands
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Le
climat du Nord au Sud
Telle
est la thématique de la 6ème édition d’En Quête d’Ailleurs. 7 tandems formés de journalistes de
Suisse romande, mais aussi du Liban, du Brésil, de Centrafrique, du Vietnam, du
Kosovo, de Côte d’Ivoire et de Tunisie, déclineront ce thème du climat en
autant de reportages croisés en Suisse et dans chacun de ces pays.
Fethi Djebali/En Quête d’Ailleurs - Rien ne peut distraire Pierre-Alain Ravussin de son engagement
pour la protection des oiseaux. Même les interviews avec cet ornithologue
passionné, rédacteur en chef adjoint du magazine Nos
oiseaux, se tiennent dans la forêt, entre la visite des
nichoirs de Gobemouche, et autres opérations de capture et de baguage.
« C’est un oiseau nicheur présent en Suisse depuis les années soixante,
mais qui a vu ses effectifs diminuer au fil du temps sur tout le
territoire ». La cause ? « Pour cette espèce, c’est
indéniablement la faute au changement climatique ».
Le Gobemouche noir est un migrateur au
long cours qui hiverne en Afrique de l’ouest. Sa population a connu une phase
expansive jusque dans les années 80. Selon M. Ravussin, cette régression
coïncide avec la phase récente de réchauffement du climat, qui affecte l’Europe
centrale et la Suisse en particulier. « Dans une tentative d’adaptation,
le Gobemouche noir a avancé sa date de ponte de 8 à 10 jours en moyenne. Mais
cette anticipation ne semble pas suffisante pour profiter pleinement du pic
d’abondance des chenilles de lépidoptères, sa nourriture préféré »,
analyse l’ornithologue. Comme le Gobemouche, le nombre d’espèces qui ont vu
leur cycle de vie et de reproduction perturbé par l’augmentation de la
température est alarmant.
Sédentarisation
« forcée »
Car s’ils restent insaisissables
parfois, les effets du changement climatique sur l’avifaune ne sont plus à
démontrer. « Les oiseaux sont un excellent indicateur du changement
climatique car ces êtres fragiles sont très sensibles aux bouleversements qui
s’opèrent dans l’écosystème », estime Raffael Ayé, de l’antenne suisse de
l’ONG Birdlife. Et
particulièrement les migrateurs, qui tentent de s’adapter essentiellement en
avançant ou en retardant leur date de départ en automne et au printemps pour
atténuer l’effet du réchauffement. Ainsi, des espèces migratrices de longue et
courte distance comme la fauvette à tête noire, l’hirondelle rustique, la
rousserolle effarvatte, la fauvette des jardins ou l’étourneau sansonnet, ont
avancé leur date d’arrivée dans les zones de nidification en Suisse, sur les
bords de la Méditerranée et en Afrique de l’Ouest. Certaines espèces annulent
même leur départ automnal vers le Sud et se sédentarisent, comme le
chardonneret élégant.
En effet, si le changement climatique
pousse les oiseaux à décaler leur déplacement dans le temps, il les force aussi
à migrer dans l’espace. « Au lieu d’aller en Afrique, la cigogne se replie
sur les décharges espagnoles », estime Lukas Jenni, directeur scientifique
de la station
ornithologique de Sempach. En Suisse, de nouvelles espèces
font même leur apparition. C’est le cas du guêpier, difficilement observable
auparavant dans le pays. D’autre espèces habituellement sédentaires, comme le
serin cini, ont été obligé de devenir migratrices pour survivre. « Il y a
une tendance générale chez les oiseaux d’aller plus vers le Nord de
l’Europe », remarque Raphael Ayé.
Tunisie :
révolution aussi pour les oiseaux
En Tunisie, autre escale importante
pour les migrateurs qui traversent les deux pays, les oiseaux vivent aussi au
rythme d’une petite révolution climatique. Les ornithologues suivent de près
l’impact du réchauffement du climat sur les espèces venant y passer l’hiver.
« Comme le climat est devenu plus variable en Tunisie, certaines espèces
sont moins visibles dans nos stations d’observation », estime Ramzi
Hedhli, secrétaire général de l’association des Amis des oiseaux,
partenaire en Tunisie de Birdlife. « Le changement climatique pourrait
aussi avoir induit un dessèchement des relais d’eau sur leur chemin de
migration vers notre pays ; du coup certaines espèces changent de
destination ou meurent en cours de route ». Selon Iyadh Labbène, président
de l’Association tunisienne sur le changement climatique et le développement
durable (2C2D), « au-delà de la dimension ornithologique, il y a un côté
perception sociale des oiseaux : les Tunisiens ont été interpellés par le
fait qu’ils observent moins de cigognes ou d’hirondelles dans leur pays, et
cela les fait parler, débattre. »
En Tunisie, le birdwatching pâtit du changement climatique
Appelés également
« spots », les lieux où l’on peut observer les oiseaux ne manquent
pas en Tunisie. Du nord au sud, le patrimoine avifaune recèle d’importantes
richesses et offre un dépaysement certain. Et pour cause, l’oiseau le plus
rapide au monde, le faucon pèlerin, vit dans les falaises rocheuses de la
dorsale tunisienne. Le golfe de Gabès abrite à lui seul en hiver la moitié de
l’effectif des oiseaux d’eau hivernant en Méditerranée, soit environ 350.000
individus entre échassiers, limicoles, canards et autres oiseaux d’eau. Aussi,
le plus grand aigle d’Afrique est-il observable seulement en Tunisie. Ce
patrimoine fait le nid d’un type de tourisme qui se déroule loin du farniente
balnéaire et des chambres d’hôtels climatisées : le birdwatching,
littéralement l’observation des oiseaux. Ils sont entre 3000 et 4000 touristes
à venir chaque année en Tunisie pour admirer les volatiles. « C’est un
créneau très porteur mais dont la révolution tunisienne est venu freiner le
développement, à l’image de tout le secteur touristique », estime Tarek
Nefzi ,directeur de l’agence de voyages Bécasse, spécialisée dans
l’organisation de birdwatching en Tunisie et au Maroc. Mais le
changement climatique a aussi sa part dans ce début de régression. « La
plupart des birdwatchers viennent pour voir les oiseaux d’eau ; or
ces derniers se font de plus en plus rares à cause du réchauffement du
climat », regrette M. Nefzi , un des pionniers du birdwatching.
Seule solution pour ce passionné : élargir son champ d’action à toute la
région du Maghreb pour faire face à la plus grande dispersion des espèces, et
les suivre dans leurs nouvelles aires de répartition.
FD
Source de l'article : http://www.infosud.org/Tunisie-Suisse-les-oiseaux,10162
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