Projeté lors de la 32e édition du Festival du Film sur l’Art
(FIFA), le documentaire de la Suissesse Valérie Loewensberg, Tunisie,
l’ère d’une révolution culturelle, revient sur les bouleversements
socio-politico-culturels qu’ont traversés le pays et son peuple.
Entretien avec la réalisatrice et retour sur les coulisses de la
réalisation du documentaire.
Quel a été le déclic qui vous a menée à la réalisation, puis à la Tunisie ?
J’ai été membre active puis vice-présidente de la CODAP [le Centre de
conseils et d’appuis pour les jeunes en matière de droits de l’homme] à
Genève.
En 2012, nous avons décidé de favoriser la venue de quatre jeunes
défenseurs tunisiens. La rencontre avec eux m’a beaucoup marquée. Ils
étaient alors très impliqués au sein de leurs associations (Association
Tunisienne pour les femmes démocrates, Conseil national pour les
libertés en Tunisie, Amnesty International) visant à insérer des
articles de lois dans la nouvelle constitution tunisienne, notamment
pour la protection des personnes en situation de handicap, et pour
conserver certains acquis sur l’égalité homme-femme, qui se voyaient
menacés par la nouvelle constitution.
C’est à ce moment-là qu’est née l’idée de me rendre en Tunisie et
d’étudier en profondeur l’engagement de jeunes activistes durant la
transition démocratique. Tunisie, l’ère de la révolution culturelle, est
mon premier projet de film documentaire.
Comment s’est organisé et articulé le tournage et la postproduction du documentaire ?
Mon film documentaire a été tourné uniquement à Tunis. J’avais eu
jusque-là des expériences de formations avec le CODAP en Afrique de
l’Ouest, mais c’était ma première rencontre avec la Tunisie.
Une amie expérimentée dans l’audiovisuel m’a rejointe pour tenter
l’aventure avec moi. La durée du tournage a duré un peu plus d’un mois,
et la postproduction a duré dix mois.
Faute de moyens, le documentaire a été réalisé avec des reflex
numériques en qualité HD. Les fonds [quant à eux] ont été récoltés via
une plateforme de financement participatif. La somme nécessaire n’ayant
pas été réunie dans sa totalité, j’ai financé près de la moitié du
projet avec mes économies.
Concernant le travail de recherches, comment vous êtes-vous préparée ?
En amont, mon travail a été de suivre l’actualité en Tunisie et de
comprendre la situation dans laquelle se retrouvaient les Tunisiens un
an après la révolution, en cherchant à les rencontrer.
J’ai notamment fait la connaissance des jeunes militants pour la
défense des droits des femmes, un avocat des familles des martyrs et des
blessés de la révolution, des jeunes de différents mouvements
politiques, des journalistes au sein de l’assemblée générale
constituante durant la justice transitionnelle. Toutes ces rencontres
m’ont permis de prendre conscience de la situation du pays un peu plus
d’un an après la chute de la dictature.
Aviez-vous des appréhensions particulières avant de vous rendre sur place ?
Pour tout vous dire, avant mon départ, j’avais quelques appréhensions
d’ordre organisationnel, mais ce que je redoutais le plus à ce
moment-là, c’était la viabilité du projet. De par mes contacts réguliers
sur place, je me rendais compte de l’instabilité dans laquelle le pays
évoluait.
J’ai donc décidé de partir en gardant une idée assez large sur ce
qu’allait devenir mon film afin de rendre possible une certaine
improvisation sur place qui me permettrait d’affiner ma thématique en
fonction de la situation. J’avais uniquement préparé les quelques
questions que je souhaitais poser à chacun des jeunes activistes.
En tenant compte de la situation médiaticopolitique au moment du tournage, la présence de votre camera pouvait-elle déranger ?
Après la chute de la dictature, la diversité des médias a explosé en
Tunisie. Plus particulièrement, les journalistes et blogueurs se sont
multipliés et ont pris les devants sur la scène médiatique, notamment
les médias sociaux tels que Facebook. Durant la période de tournage,
parmi la puissance numérique des journalistes présents, la présence de
ma caméra passait quasi inaperçue.
Est-ce que le thème de la démocratisation de la culture s’est imposé de lui-même ?
Oui tout à fait, je dirai que la démocratisation de la culture s’est
imposée de manière naturelle de par la nécessité qu’il y avait à ce
moment-là en Tunisie de s’exprimer librement. La chute du régime a
permis aux mouvements artistiques, nés dans l’ombre de la dictature, de
s’exposer et de se manifester au grand jour.
J’aurai [toutefois] aimé aborder le rôle tout entier de la société
civile tunisienne, majoritairement les jeunes et les femmes qui luttent
jour après jour pour la défense des droits des familles de martyrs et
contre l’impunité, pour le droit des femmes, le droit des chômeurs, la
liberté d’expression, etc. Mais pour ne pas me disperser, il a fallu que
je me restreigne.
Où sera prochainement projeté votre documentaire ? Avez-vous un projet en cours ?
En avril, il sera diffusé en Suisse lors du Festival du Film Oriental
de Genève. [Pour ce qui est d’un projet en cours], j’ai l’idée d’un
film documentaire qui parlerait des traditions ancestrales de la culture
andine, mais pour l’instant je me concentre sur mes études en
audiovisuels à l’Institut Universitaire National d’Art à Buenos Aires.
Valérie Loewensberg est diplômée de Sciences et Technologies du Vivant au sein de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Elle a travaillé trois ans dans la coordination d’études cliniques et des technologies des biomarqueurs.
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