lundi 22 mai 2017

Bâtard sensible : Alexandre Kominek, figure montante de la nouvelle scène humoristique romande

Paroles Paroles
Figure montante de la nouvelle scène humoristique romande, comédien pour la Revue, le jeune Genevois mettra ses états d’âme à nu ce samedi à la Salle centrale Madeleine. Rencontre avec un gentil bad boy.

Par Cécile Denayrouse



Alexandre Kominek, figure montante de la nouvelle scène humoristique romande.  Image: Maurane Di Matteo


Bio express

1989 Naissance à Genève, d’une mère polonaise et d’un père tunisien.

2009 Obtient sa maturité, après une scolarité chaotique et turbulente.

2011 Prend conscience qu’il n’est décidément pas fait pour les études universitaires.

2012 Recalé au Concours classe libre du Cours Florent à Paris. Tombe en dépression.

2013 Première scène.

2015 Gagnant du concours Jokenation. Participe au Montreux Comedy Festival. Intègre le collectif romand Carac Attack.



Quel est le point commun entre Charles Martel, Léonard de Vinci, Guillaume Apollinaire ou encore Jon Snow? Ils sont tous nés hors mariage. De bons vieux «bâtards», comme on dit quand on est malpoli ou qu’on a trop regardé Game of Thrones. Ni une ni deux, Alexandre Kominek veut entrer dans la ligue des illégitimes célèbres. En attendant de se faire un (grand) nom, le Genevois de 27 ans promène sa sincérité et ses accès de rage sur les scènes romandes et françaises avec, en guise de blanc-seing, le titre de son dernier spectacle, Bâtard sensible. Talentueux, polyvalent, pur produit de la nouvelle génération comique romande – au même titre que Thomas Wiesel, Charles Nouveau ou Marina Rollman – il est l’un des rares Suisses à parvenir à vivre des éclats de rire des autres. Avant son premier spectacle à Genève, rencontre avec un épicurien à la colère facile.

«Bâtard sensible»… Drôle de titre de spectacle…
Il y a plusieurs significations. Déjà, je suis effectivement un bâtard, né d’un père juif et d’une mère catholique, une identité qui m’a construit. Et puis il y a la définition contemporaine du mot «bâtard»: celui qui a la moquerie facile, dégaine des petites phrases méchantes ou fait des crasses. Mais, pour dire la vérité, je ne suis pas un vrai bâtard au second sens du terme, parce que je suis un incurable romantique. Bon, en même temps, on ne me croit jamais quand je dis ça, étant donné les horreurs salaces que je suis capable de balancer sur scène. Mais, promis, les filles ne sont pas les dernières à rire. Je parais sûr de moi comme ça au premier abord, je peux être fier comme un coq, mais je suis un vrai gentil, particulièrement avec la gent féminine. Ça me perdra.

Les stand-uppers ont souvent un personnage sur scène. Comment décrire le vôtre?
C’est une des choses les plus difficiles dans le stand-up: affirmer un personnage, avoir un véritable caractère face au public. Le truc ultime, c’est de pouvoir être le seul à faire une blague. Là, tu sais que tu as gagné. Du coup, on travaille en permanence là-dessus, moi comme les autres. Dans Bâtard sensible, le personnage que j’interprète est un peu hybride. Je peux m’adresser au public comme s’il s’agissait d’un parterre de potes, sourire aux visages qui me sourient, et puis, soudainement, me mettre à m’énerver sur un sujet, débiter mes phrases beaucoup plus vite, drainer une énergie différente, plus agressive. Un personnage assez schizophrène en fait. Mais toujours en blouson de cuir, c’est ma signature.

Faire du stand-up est à la mode, mais les places sont chères. C’est si facile que ça de se faire un nom dans ce milieu?
Tout le monde veut faire du stand-up en ce moment, c’est assez dingue. Les gens estiment que ça a l’air facile, pourtant c’est tout le contraire. Beaucoup de stand-uppers deviennent célèbres passé la trentaine, à cet âge où tu as acquis la légitimité de raconter quelque chose, quand tu as déjà un peu vécu. Sans compter que souvent, ce sont les cicatrices qui font rire dans l’humour. D’ailleurs, je dis souvent que je suis contre les migrants. Pour la raison mentionnée plus haut: s’ils viennent ici, ils vont être trop drôles et me voler mon travail. Et après, il y a le style. Je serais par exemple incapable de faire ce que fait Thomas Wiesel, l’humour politique, ce n’est pas mon truc. Je n’ai pas non plus la même énergie sur scène que Charles Nouveau, qui est plus posé, plus calme, avec des textes plus écrits…

Non seulement la scène humoristique romande se porte bien, mais en plus elle semble particulièrement bien s’entendre. C’est une harmonie de façade?
Pas du tout, c’est vraiment génial. En Suisse, on a la chance de s’apprécier tous, on s’entraide, on fait parfois la fête ensemble, on est amis. A Paris, c’est différent. On a tous un peu envie d’y être parce que tu peux jouer tous les soirs si tu le souhaites, mais le climat n’est pas tout à fait le même. Cela dit, j’ai rencontré plein de mecs très bien aussi, comme Haroun, qui fait un carton en ce moment avec son humour très acide. Je suis particulièrement heureux de le voir grimper. En ce qui me concerne, je pense retourner à Paris en septembre.

Est-ce qu’il t’arrive de donner des conseils aux aspirants stand-uppers qui te le demandent?
J’ai demandé conseil à ceux qui avaient plus d’expérience que moi et ils m’ont aidé, donc si je peux conseiller quelqu’un, je ne le fais jamais! Non, avec plaisir, bien sûr. On vient assez spontanément me questionner sur les ficelles du métier, me demander des conseils. Et systématiquement, j’explique les erreurs par lesquelles je suis passé.

Lesquelles par exemple?
Au début, j’ai fait l’erreur classique, typique du débutant: j’écrivais un texte, je l’apprenais par cœur et je le jouais ensuite. J’ai compris avec l’expérience et les conseils avisés que c’est l’intention qui compte, plutôt que connaître ton texte sur le bout des lèvres; il vaut mieux savoir ce que tu veux dire.

Concrètement, cela consiste en quoi?
A mon sens, il faut un «bullet point», c’est-à-dire qu’il faut avoir en tête dès le début à quelle blague ou quelle idée tu veux arriver et visualiser le chemin à emprunter. Résultat: aujourd’hui, je m’adresse à des gens, je réagis en fonction de la salle et du public. L’autre chose primordiale que j’ai apprise, c’est qu’il ne faut pas mentir aux gens. Ce que tu livres sur scène est tellement personnel que le public sait immédiatement si tu fais semblant ou si tu es juste. Je pense qu’il faut s’inspirer de soi et du réel, ne pas prétendre être quelqu’un.

Quel est ton modèle dans ce milieu?
Sans hésitation, Bill Burr. C’est un comique américain qui a la particularité d’être très rigolo avec les gens et qui soudain va s’énerver et dire des choses supersombres, faire des blagues dérangeantes… Mais toujours pertinentes et drôles à la fois. J’adore ce mec.


Au vif du sujet

Un plat que vous ne mangerez jamais?

J’adore manger et j’adore bien manger, donc c’est difficile. Je crois qu’il y a des trucs vraiment horribles en Chine, à base de fœtus de je-ne-sais-quoi. Genre fœtus aux bolets. Ignoble. De toute façon, un nom de plat qui commence par fœtus, c’est déjà une mauvaise idée. Bref, jamais de fœtus.

Quelles sont vos mauvaises pensées?

Très clairement la luxure et la gourmandise. Je suis un hédoniste, c’est-à-dire que je sors beaucoup, je fais beaucoup la fête et j’aime beaucoup les filles. J’aime l’excès.

Quel est le trait de caractère que vos parents vous ont légué?

J’ai un gros défaut qui me vient d’eux. J’aime bien jouer les seigneurs, inviter la tablée quand je sors, jouer les grands princes, alors que je ne devrais pas.

Qu’est-ce qui vous endort le soir?

Les documentaires. Je connais les cinq premières minutes de tous les documentaires sur YouTube. Je sais par exemple grâce à ça que l’hippopotame est mon animal préféré: il prend des bains de boue, sait être à la fois agressif et protecteur, passe sa journée dans l’eau et a tout un tas d’oiseaux autour de lui à son service…

En vacances, vous êtes plutôt bisous, littérature ou rafting?

On peut en choisir plusieurs? Dans ce cas, je prends bisous et rafting. Ça va très bien ensemble.

Une personnalité avec laquelle vous ne partiriez jamais en vacances?

Eric Zemmour, évidemment, mais ça fait un peu
cliché, non? Qui voudrait partir en vacances avec Eric Zemmour? Disons plutôt n’importe quel employé d’Intrum Justitia ( ndlr: société de recouvrement ), même s’il est sympa. Je ne pourrais jamais partir en vacances avec quelqu’un de cette boîte. C.D.


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