samedi 20 avril 2019

Comment rajeunir l'image de l'Eglise sur les réseaux sociaux

Patrick Chuard, le 24 juillet 2018

LausannePoussiéreuse, l’institution romaine? Pas pour Malika Oueslati, la nouvelle porte-parole de l’Église dans le canton de Vaud.


Pour faire acte de candidature, il fallait impérativement remplir une exigence: être catholique. «On peut apprendre et se former à beaucoup de choses, mais être catholique ne s’apprend pas», explique Olivier Schöpfer, responsable du service d’information de l’Église catholique dans le canton de Vaud. Malika Oueslati (27 ans) remplissait cette exigence en plus d’autres compétences et elle a été engagée en mars dernier pour gérer la communication de l’Église sur la Toile et les réseaux sociaux.

Malika Oueslati est la dernière recrue du service d’information de l’Église. Sa tâche: gérer la communication sur la Toile.
Image: JEAN-P. GUINNARD
La Lausannoise porte le nom tunisien de son père, musulman non pratiquant; elle a hérité du catholicisme de sa mère. «J’ai fait des études en sciences des religions, car le fait religieux me fascinait, explique-t-elle. Pourquoi c’est la grande affaire des êtres humains depuis le début des temps et jusqu’à nos jours? Mes études m’ont permis d’obtenir des réponses sur le fond.»
«C’est tout le défi de trouver le moyen de rendre l’Église attractive auprès des jeunes. Cela passe par la vidéo et le fait de montrer ce qui se déroule concrètement dans les différents lieux d’Église.»
Catholique croyante, Malika Oueslati ne s’imaginait pourtant pas travailler un jour pour l’institution romaine et en faire la promotion. Mais comment rajeunir l’image d’une Église bimillénaire qui a parfois une image poussiéreuse? «C’est effectivement tout le défi de trouver le moyen de rendre l’Église attractive auprès des jeunes, admet-elle. Cela passe par la vidéo et le fait de montrer ce qui se déroule concrètement dans les différents lieux d’Église. Cela dit, la demande des jeunes chrétiens pour une présence de l’Église sur les réseaux sociaux est grande.» Au sommet de l’Église, le pape François montre l’exemple par ses tweets réguliers.
Le site cath-vd.ch a déjà reçu un sérieux dépoussiérage depuis quelque temps. La majorité des internautes y viennent encore pour avoir les horaires des messes (12 000 clics le 24 décembre dernier) mais cela évolue petit à petit: «Le but est de profiter de cette fréquentation pour montrer d’autres choses.»
Et il y a de quoi montrer. Avec ses 54 paroisses et près de 193 000 baptisés, l’Église catholique vaudoise est réputée très dynamique. Elle présente des réalités contrastées: «On le voit bien chaque année à la messe de la cathédrale, explique Olivier Schöpfer. Certains sont très progressistes, d’autres communient dans la bouche, d’autres encore ont des dévotions particulières. Mais nous sommes tous catholiques.» Pour faire connaître cette réalité, le service d’information compte trois personnes, dont Malika Oueslati.
Et si elle avait une baguette magique pour améliorer quelque chose tout de suite? «J’améliorerais la compréhension entre les membres du clergé et des laïcs», dit-elle. (24 heures)

samedi 13 avril 2019

«L’éclaireur en démocratie n’est pas forcément celui qu’on croit»

19 juin 2016 par Sophie Simon


DébatDes étudiants genevois et tunisiens ont échangé sur l’état respectif de leur démocratie. Rafraîchissant.


«Ce qui me frappe, c’est à quel point on prend notre démocratie pour un acquis, comme quelque chose de normal, presque au sens d’ennuyeux.» Cette réflexion de la chancelière d’Etat Anja Wyden Guelpa l’a conduite à inviter des étudiants d’une démocratie plus jeune, la Tunisie, pour échanger ce lundi soir avec leurs homologues genevois, sur le mode de la curiosité bienveillante, pour la semaine de la démocratie.
Un dialogue un peu maladroit s’établit entre Ema, genevoise, et Youssef, tunisien. Elle lui demande sa vision de la modernité et de la tradition, et de la pensée du sociologue Franco Cassano à ce sujet. Ce dernier invite les Méditerranéens à ne pas se laisser happer par la marchandisation et à cesser de voir tout ce qui n’est pas moderne comme forcément archaïque. «J’ai l’impression que l’Occident impose sa définition de la modernité, confirme Youssef. Pour nous elle n’est pas synonyme de laïcité. En étant pragmatique, elle est impossible dans le monde arabo-musulman maintenant. Le changement peut passer par une lecture plus spirituelle de la religion, selon la tradition soufie. L’Etat devrait utiliser la religion pour modeler la façon de penser des Tunisiens.»

A g., Waël et Youssef ont croisé le fer avec Ema (cinquième à dr.).
Image: Steeve Iuncker-Gomez
Même exercice sur le rôle joué par la société civile, gagnante du Prix Nobel de la paix en 2015 (via le quartette de dialogue). Waël explique son engagement dans une association. «Des internats ont été créés ou réaménagés. On a organisé des «voitures mules» pour acheminer les élèves à l’école, car beaucoup d’entre eux arrivaient déjà fatigués par un long trajet et n’arrivaient pas à se concentrer.» Carmela lui demande: «Tu penses que ça peut avoir une influence sur le gouvernement?» «Il est trop tôt pour le dire. L’association soulève des problèmes dont tout le monde n’a pas conscience.»
Concernant les pratiques sécuritaires, Fanny explique la modification de la loi sur le renseignement sur laquelle le peuple va bientôt voter, tandis qu’Ahmed soutient qu’«en Tunisie, la présence de l’Etat n’est presque que sécuritaire. Elle ne doit pas se résumer à un poste de police, il faut travailler sur le modèle de l’Etat-providence.» Pour Nicolas, l’obligation de servir en vigueur dans les deux pays est «fondamentale. On peut l’envisager comme une alternative idéologique au discours terroriste sur la communauté de destins.»
Slim évoque une initiative porteuse: «En Tunisie, un budget participatif a été mis en place dans quatre communes. Entre 2 et 5% du budget a été voté par les habitants. Je trouve ça incroyable, on va de l’avant.» Roxane vante alors les contrats de quartiers impliquant les habitants de la Ville de Vernier, qui auraient permis une augmentation de 4% de la participation aux scrutins.
La vérité n’est pas sortie de la bouche des enfants, mais de celle d’Angélique Mounier-Kuhn, une intervenante qui a rappelé que le droit de vote des femmes a été obtenu en 1957 en Tunisie, et seulement en 1971 en Suisse. «L’éclaireur en démocratie n’est pas forcément celui qu’on croit.»
(TDG)
Créé: 19.09.2016, 22h47







samedi 6 avril 2019

Les liaisons dangereuses de l’islamiste tunisien emprisonné à Genève

Par Valérie de Graffenried, Publié mardi 20 janvier 2015 

Ahmed, un Tunisien de 35 ans, est jugé dangereux pour la sécurité intérieure par le Service de renseignement de la Confédération. L’étudiant pourrait être lié à la mouvance «Lis!» qui s’est implantée en Suisse. Son comportement extrême l’a fait remarquer à Lausanne et Fribourg. Son avocat le rencontrera pour la première fois ce mercredi matin.



Les liaisons dangereuses d’un islamiste
Un Tunisien de 35 ans va être expulsé en raison d’un profil jugé dangereux pourla sécurité intérieure
L’étudiant pourrait être lié à la mouvance «Lis!», qui a distribué des Corans gratuits dans les villes suisses
Son comportement extrême l’a fait remarquer à Lausanne et Fribourg
Avec l’arrestation d’Ahmed*, c’est un nouveau pan de la nébuleuse djihadiste en Suisse qui se dévoile. Le Tunisien de 35 ans domicilié à Marly (FR) croupit derrière les barreaux, à Champ-Dollon, en vue d’un renvoi par vol spécial. Jugé dangereux pour la sécurité intérieure, il a été arrêté début janvier à Fribourg.
Rejeté par les musulmans fribourgeois pour son comportement vindicatif, Ahmed a fait allégeance au chef du groupe l’Etat islamique, selon la Tribune de Genève , qui a eu accès à un jugement du Tribunal administratif de première instance (TAPI).
Un détail semble ne pas figurer dans ce document, mais pourrait expliquer pourquoi le Service de renseignement de la Confédération (SRC) s’est tellement intéressé à Ahmed. Selon nos informations, ce Tunisien pourrait être lié à un autre islamiste radical, Salahdin*. Les deux hommes ont distribué des Corans dans la rue, à Genève, à peu près au même moment l’an dernier.
Salahdin, qui récemment encore apparaissait sur Facebook avec le qualificatif «as-Swissry», affichait clairement sa sympathie pour l’Etat islamique. Sur Facebook, sa photo de profil reprenait le drapeau de l’organisation. Selon les informations du Temps,Salahdin a tout récemment quitté la Suisse. Il connaît Abou Suleyman Suissery, un djihadiste parti du Nord vaudois pour combattre aux côtés de l’Etat islamique en Syrie, où il se trouve actuellement.
Auparavant, Salahdin aurait appartenu au groupe «Lies!» («Lis!»), en français), une initiative lancée par des musulmans installés en Allemagne, qui distribue gratuitement des Corans. Dirigé par le prédicateur Ibrahim Abou-Nagie, un chef d’entreprise de Cologne d’origine palestinienne, proche des milieux salafistes, «Lis!» s’est implanté en Suisse et a son propre groupe sur Facebook, en français. Des distributions gratuites de Corans ont eu lieu dans plusieurs villes suisses.
«Selon les dires de Salahdin, le groupe «Lis!» a divisé la Suisse en «gouvernorats». Et lui-même serait responsable du gouvernorat de Genève», commente une source proche des milieux sécuritaires. Selon elle, «le groupe comprendrait une centaine de sympathisants en Suisse». Jusqu’ici, les autorités peinaient à établir un lien évident entre «Lis!» et des mouvements djihadistes, malgré certaines inscriptions douteuses sur leurs stands. Mais dans une vidéo faite lors d’une de leur manifestation à Lausanne, le logo d’Ansar al-Charia Tunisie était clairement visible.
Or, Ahmed est notamment dans le viseur des autorités fédérales depuis les 17 et 30 mai 2014, date auxquelles il participait précisément à une distribution gratuite de Corans sur la place de Plainpalais puis celle du Molard, à Genève. Alerté, le SRC a depuis mené son enquête et surveillé étroitement Ahmed.
Toujours selon le jugement cité par la Tribune de Genève , le SRC s’adresse le 26 septembre à l’Office fédéral des migrations (ODM, entre-temps devenu Secrétariat d’Etat aux migrations), pour lui faire part de ses inquiétudes. Il lui demande de ne pas renouveler l’autorisation de séjour d’Ahmed, qui était officiellement étudiant depuis son arrivée en Suisse en 2006. Le 26 novembre, l’ODM obtempère et le somme de quitter le pays. Genève est chargé de l’exécution du renvoi. Le Tunisien disparaît pendant un mois. Le 24 décembre, Fedpol, l’Office fédéral de police, prononce une interdiction du territoire. Il se fera finalement pincer dans un train début janvier, à Fribourg.
Selon la base de donnée Teledata, Ahmed a vécu à Lausanne, à Marly (FR), à Fribourg, puis à Onex (GE). Sa dernière adresse, depuis le 7 décembre 2010, est située à Marly, où il vivrait avec une femme et un enfant.
Il a tenté d’entrer en contact avec plusieurs associations de musulmans fribourgeoises. Mais son comportement, décrit comme agressif et arrogant, lui a fermé des portes.
«Partout où il est passé, il est persona non grata. Mais rien dans ses propos ne laissait penser qu’il représentait un risque terroriste, sinon nous l’aurions signalé aux autorités. C’est plutôt son attitude invasive qui dérangeait», souligne un membre de l’Association des musulmans de Fribourg. Lors des élections législatives en Tunisie, en octobre dernier, Ahmed a été aperçu devant le bureau de vote lausannois ouvert aux Tunisiens de Suisse. Il aurait harangué les électeurs pour tenter de les convaincre de boycotter le scrutin, en affirmant que «la démocratie est contraire à l’islam». Les organisateurs ont fini par appeler la police pour l’éloigner.
L’été dernier, rapporte-t-on encore au sein de la communauté musulmane, il avait tenté de s’associer à une manifestation de soutien aux populations touchées par les raids israéliens sur Gaza. On l’a prié de passer son chemin après qu’il a sermonné une femme musulmane sur sa tenue vestimentaire.
Condamné à plusieurs reprises pour lésions corporelles et violence ou menace contre des fonctionnaires, Ahmed aurait des contacts avec un «Tunisien condamné à l’étranger pour ses liens avec le terrorisme international». Contacté, le SRC ne fait pas de commentaire. Aucune procédure pénale n’a été ouverte contre lui, confirme au Temps son avocat Bernard Nuzzo. «J’ai été saisi du dossier lors de l’audience au TAPI le 12 janvier et n’ai pas encore pu voir mon client. Je le rencontre ce mercredi matin pour la première fois», précise-t-il. Impossible donc de savoir quelle sera sa ligne de défense.
Ces révélations interviennent au moment où la Suisse est pour la deuxième fois signalée comme cible possible par des djihadistes dans une vidéo. «Un profil comme celui du Tunisien arrêté interpelle. Et on doit considérer avec sérieux les liens et relations supposées de cet homme avec des individus en Suisse», commente Jean-Paul Rouiller, directeur du Geneva Centre for Training and Analysis of Terrorism (GCTAT).
* Prénoms fictifs
«Partout où il est passé, il est persona non grata. Mais rien ne laissait penser qu’il représentait un risque»