La crainte d’être submergé

La déferlante est pourtant bien la crainte principale exprimée par le gouvernement suisse. Frank Schürmann, chef de section à l’Office fédéral de la justice, a souligné le caractère proprement «révolutionnaire» de cette requête et ses conséquences négatives sur le plan des relations internationales. Le représentant de la Suisse a rappelé que ce pays compte 46 000 réfugiés reconnus comme tels et 31 000 personnes qui sont dans le processus de l’asile. Ouvrir une compétence des tribunaux civils en raison de leur simple lieu de domicile serait excessif et inopérant. «Le droit d’accès à la justice n’a de sens que si l’exécution d’un jugement est possible.» Or, rien ne laisse imaginer ici que la Tunisie, même après un changement de régime, accepterait de se plier à une décision helvétique.
Pour Frank Schürmann, le Tribunal fédéral a rendu un arrêt «raisonnable et judicieux» en retenant que le rattachement avec la Suisse doit exister au moment des actes reprochés et ne peut pas être créé après coup. Au nom de la Suisse, ce dernier a terminé en soulignant «les intentions louables» d’Abdennacer Naït-Liman et de ses conseils mais aussi leur grand «idéalisme». Par quatre voix contre trois, la Chambre de la CEDH avait conclu dans le même sens avant que l’affaire ne soit acceptée — c’est rare — par la Grande Chambre.