lundi 12 juin 2017

Marc(o) Berrebi : l’Art d’entreprendre…

Dans sa société « eDevice », il s’appelle Marc. Mais pour les artistes, c’est Marco. Marc et Marco Berrebi sont une seule et même personne à l’identitité double : entrepreneur tunisien, de culture arabe et juive.
Longtemps caché derrière les artistes qu’il accompagne, Marco Berrebi sort aujourd’hui du bois et assume sa nouvelle vie d’agent-double. Il vient d’une des dernières familles de juifs arabes en Tunisie. Son grand-père était marchand au souk de Tunis. L’autre était oléiculteur dans la région du Sahel. « En général, les tunisiens sont des entrepreneurs. Ils le sont en particulier dans ma famille ». Cette origine, entre tradition arabe et culture juive, a conduit Marc Berrebi à explorer de nouveaux territoires autour des questions de l’identité et de la sécurité. Petite enfance dans la banlieue de Tunis, il arrive à Paris à l’âge de 8 ans pour y faire ses études. Fin des années 80, il termine l’Ecole Supérieure de Commerce et commence à importer les premiers Mac en France. La technologie sera son premier fond de commerce.



Photographié ici par E Pardo, Marco Berrebi porte une veste imprimée d’une photo de JR.
J’ai créé ma 1ère boite en 1989, je développais des logiciels pour l’univers de la finance ; en 96 j’ai quitté l’Europe pour New York où j’ai lancé ma 2ème boite. Entreprise que l’agence Reuters m’a ensuite rachetée.
A l’aube de l’an 2000, Marc vit les années folles de la bulle internet.
« J’ai gagné beaucoup d’argent, mais j’en ai aussi beaucoup perdu. J’étais jeune, je me croyais plus intelligent que les autres. Mes investissements d’alors se sont soldés par des échecs. Ca m’a ramené à la réalité.
En 1999, Marc Berrebi s’installe avec sa femme et ses trois enfants à Genève où le groupe Reuters l’appelle. Il gardera la Suisse comme port d’attache, mais reprendra rapidement sa liberté d’entreprendre. « Quand tu es entrepreneur, tu as besoin d’être au volant. D’être dans l’action toi-même… sinon tu fais des conneries. » En 2000, il créé eDevice avec un associé bordelais en France.
Avec eDevice, l’idée est de connecter tous les objets : les ampoules, les machines à café qui demandent des recharges, les batteries des pacemaker pour les malades du coeur. On a même connecté des machines à voter en Mongolie. Mais en 2000, nous étions trop en avance sur ce marché. Nous avons mis longtemps à trouver la croissance mais aujourd’hui, elle est enfin là.
Avec 5 millions et demi d’euros de chiffres d’affaires en 2012, un objectif de 10 millions en 2013 et 22 salariés, eDevice est désormais une affaire qui tourne. Les années ont passé et Marc cherche un autre sens à sa vie.
La femme allongee, photo de JR sur les quais de Paris 
 
La femme allongee, photo de JR sur les quais de Paris

En 2006, Marc Berrebi décide de réaliser ses rêves qu’il écrivait dans un petit carnet depuis des années. Entre 2006 et 2009, il prend plusieurs années sabatiques et change de vie. Marc devient alors Marco.
J’ai écrit un livre, fait de la méditation, voyagé, écrit des articles de presse (sous un pseudo). J’ai même produit un film ».
Un changement de vie dans lequel Genève a aussi joué un rôle : « La Suisse donne un sentiment de sécurité complètement unique. La sécurité et la courtoisie ici m’ont donné le pouvoir d’être libre. En vivant à Genève, j’ai osé faire autre chose…
Sa rencontre avec JR, artiste photographe français, va changer sa vie. « JR est un artiste qui fait de l’art engageant. Un soir, on s’est dit : « on va faire le plus grand projet artistique illégal : coller des photos immenses au Proche Orient. On est parti tous les deux avec l’idée que tant que personne ne nous arrête, on avance ! On voulait voir jusqu’où on pouvait aller. » Face 2 Face sera cette série de portraits d’israéliens et de palestiniens qui font le même métier des 2 côtés du mur.
« On a collé les visages de chauffeurs de taxi, d’avocats, de vendeurs de légumes palestiniens du côté israélien et inversement.Cet événement deviendra ensuite un livre puis un film. Et sera pour Marco le point de départ d’une série d’actions artistiques qui le conduiront aux quatre coins du monde. Depuis, Marco est devenu l’agent et l’associé de JR. Longtemps caché dans l’ombre de l’artiste, il commence seulement aujourd’hui à prendre la parole -comme cette interview en témoigne. Il aide JR mais aussi d’autres artistes à s’exprimer sans risques dans des environnements complexes (bidonvilles, théâtres de guerre, milieux urbains).
A Rio de Janeiro: Morro da Providencia, la plus vieille favela du Brésil aux couleurs des photos de JR. 
 
A Rio de Janeiro: Morro da Providencia, la plus vieille favela du Brésil aux couleurs des photos de JR.
J’ai mis en place un système qui permet à JR de travailler en sécurité. Assistance technique, promotion, outils de réseaux sociaux, on a développé un savoir-faire qu’on met désormais au service d’autres artistes dans le monde pour qu’ils puissent s’exprimer librement. C’est un système dans lequel l’artiste ne fait aucune concession artistique. On l’aide à séparer la partie économique des aspects artistiques.
A 50 ans, Marco Berrebi est devenu un entrepreneur qui cherche en permanence du sens à ce qu’il fait. Au lendemain de la chute de Bel Ali, il était à Tunis pour coller des portraits de tunisiens au siège du RCD (le parti présidentiel) et au commissariat de la Goulette, la banlieue de Tunis où il a grandi. Fin janvier au Kenya, il a posé avec la fondation JR, 4000 m2 de toits étanches dans le plus grand bidonville du monde en les couvrant de photos. Prochain rendez-vous, ce sera au festival américain de Tribeca en avril. Toujours avec JR, il y présentera leur nouveau film « Inside Out ».

Au lendemain de la chute de Ben Ali, des photos de JR sortent des décombres comme ici au commissariat de la Goulette près de Tunis où Marc Berrebi a grandi.
Au lendemain de la chute de Ben Ali, des photos de JR sortent des décombres comme ici au commissariat de la Goulette près de Tunis où Marc Berrebi a grandi.

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