Sites antiques d’exception, héritage
berbère bien vivant et médinas inscrites au patrimoine mondial de
l’humanité font de la Tunisie une destination riche en découvertes.
De la Tunisie, la plupart des Suisses ne connaissent que ses
belles plages, ses hôtels serrés les uns contre les autres sur la côte
et ses centres de thalassothérapie (le pays occupe la deuxième place
mondiale pour ce type de tourisme, après la France). Pourtant, cette
destination ensoleillée à deux heures d’avion seulement de Genève a bien
plus à offrir.
Mehdi Allani, vice-président du Sultan, un établissement 4
étoiles à Hammamet, station balnéaire prisée des Européens, le sait
parfaitement. Et même s’il propose des offres tout compris ayant
tendance à confiner ses hôtes autour de la piscine, il n’hésite pas à
les inviter à sortir de l’enceinte de l’hôtel. «Nous devons encore
davantage mettre l’accent sur l’offre culturelle de notre pays. La
Tunisie compte de nombreux trésors qu’il faut mettre en valeur.»
A une heure de route de là, Tunis recèle assurément quelques-uns
de ces joyaux. Au cœur de la ville, la médina inscrite au patrimoine
mondial de l’humanité se compose d’un dédale de ruelles, parfois
couvertes, accueillant des herboristes, des dinandiers ou des
parfumeurs, quand il ne s’agit pas de fabricants de chechias, le
couvre-chef national, ou de libraires vendant des ouvrages sur
Habib Bourguiba, le père de la Tunisie moderne, interdits sous Zine el-Abidine Ben Ali, président déchu le 14 janvier 2011.
Au-delà des portes richement enjolivées, une oasis paisible
Et lorsque la chaleur accable le visiteur, celui-ci n’a qu’à pousser la porte d’une de ces maisons ornées de moucharabiehs (n.d.l.r: panneaux ajourés, servant à
rafraîchir une pièce) et transformées en restaurant ou maison d’hôte pour se retrouver, au calme, dans un patio frais qu’agrémentent jasmin et bougainvillier.
rafraîchir une pièce) et transformées en restaurant ou maison d’hôte pour se retrouver, au calme, dans un patio frais qu’agrémentent jasmin et bougainvillier.
A l’extérieur de la médina, la ville occidentale accueille une autre perle:
le Musée national du Bardo.
Même si une partie est actuellement fermée pourrénovation, la nouvelle
aile vaut absolument le détour. «Le Bardo présente la plus importante
collection de mosaïques romaines au monde», indique le guide Ahmed Amine
Tourki. Parfois monumentales, elles savent aussi se faire plus
modestes, mais non moins émouvantes, ici pour orner un baptistère, là
pour immortaliser le poète Virgile. Ces pièces d’exception nous
rappellent le glorieux passé de la Tunisie et la richesse de sa culture
et de son histoire, vieille de plus de trois mille ans.
A ce titre, les férus d’archéologie ne manqueront pas de coupler
la visite du musée avec celle des sites voisins de Carthage, dont les
thermes d’Antonin le Pieux, les plus grands d’Afrique. Dans
l’agglomération de Tunis,
le village de Sidi Bou Saïd
est lui aussi un petit bijou. «Ici, seules deux couleurs sont
autorisées pour les maisons: le bleu, symbole du ciel et de la mer,
ainsi que le blanc, symbole de la paix», explique Ahmed Amine Tourki.
Normal donc que le visiteur s’y sente bien, malgré l’affluence
des flâneurs qui s’y pressent en fin d’après-midi, qui pour déguster
quelques pâtisseries locales, qui pour boire un thé de menthe au célèbre
Café des Nattes, en évoquant le passage en ces lieux de Gustave
Flaubert, André Gide, Colette ou Simone de Beauvoir.
Sousse, perle du Sahel et ville portuaire
Au sud d’Hammamet, dans le Sahel, Sousse figure elle aussi parmi
les trésors tunisiens. Construit à la fin du VIIIe siècle, le ribat,
soit une forteresse jouant également le rôle de couvent, est venu
s’ajouter à la liste déjà longue des
sites tunisiens inscrits à l’Unesco.
Du sommet de son minaret, la vue permet de saisir d’un coup d’œil
la structure typique de la ville arabo-musulmane. «Le ribat
fonctionnait comme un poste avancé, explique Ahmed Amine Tourki. Il
protégeait la médina à ses pieds et permettait d’avertir au loin la
casbah, soit la forteresse proprement dite, des dangers qui pourraient
venir de la mer.»
De retour au niveau du sol, la visite du souk de Sousse n’a rien
d’oppressant malgré l’étroitesse des lieux. «C’est gratuit jusqu’à la
caisse», lance un vendeur dans une logique implacable. Bien sûr, les
boutiques de contrefaçons tempèrent un peu le plaisir de la visite. Mais
au lieu de regretter la présence de faux sacs de grandes marques, le
visiteur pourra concentrer son admiration sur le marchand d’épices aussi
colorées qu’odorantes.
A l’intérieur des terres, entre un nord verdoyant et un sud
désertique, la Tunisie sait aussi se montrer accueillante. Voici
maintenant le petit village de Takrouna, au sud-est d’Hammamet. Sur le
promontoire dominant la plaine et où se pressent de modestes maisons
berbères qu’habitent encore quatre familles, Aida Gmach Bellagha anime
Le Rocher Bleu, un espace culturel comprenant un écomusée présentant
l’artisanat local et un café proposant, au son du malouf, la
musique traditionnelle tunisienne, notamment du pain taboune, à base de semoule de blé, que l’on trempe dans de l’huile d’olive.
Artiste, gérante, guide et femme de ménage à la fois, Aida Gmach
Bellagha travaille chaque jour sans relâche pour faire revivre son
village. «Je m’y affaire depuis 2001. Nous avons remonté pierre par
pierre les habitations qui tombaient en ruine et fait venir l’eau
courante, l’électricité. Mon grand-père vient d’ici, pour moi il est
important de revenir aux sources», explique celle qui habite encore à
Tunis, mais rêve de s’établir un jour à Takrouna.
La rencontrer, c’est ressentir tout l’amour que portent les
Tunisiens à leur pays, c’est saisir cette envie brûlante de faire
découvrir une histoire millénaire, c’est apprendre à connaître une femme
qui, comme de nombreuses autres, a soif d’un avenir clément.
«Je me considère avant tout comme une ambassadrice de la Tunisie.
Comment ne pas aimer cet endroit, explique-t-elle en montrant du doigt
la plaine en contrebas, tout en surveillant d’un œil les agissements de
la vingtaine d’enfants qui vient de débarquer.
Bon à savoir
La Tunisie aujourd’hui
Deux ans après son Printemps arabe, la Tunisie se cherche encore. L’établissement prochain d’une constitution et les élections agendées à fin 2013 devront donner un cap au pays.Actuellement au pouvoir, le parti islamiste semble autoriser un islam modéré. Ainsi, le soir, dans les bars branchés de Tunis, la jeunesse dorée danse et boit de l’alcool comme dans n’importe quelle ville européenne. Et le jour, les femmes cheveux au vent sont tout aussi nombreuses que celles portant un voile.
Quant aux signes d’ouverture et de tolérance, ils sont visibles. A Tunis, sur l’avenue Habib-Bourguiba, entre deux terrasses bondées, des manifestations du parti d’opposition se font entendre. Et là, des jeunes dansent le rap sur le trottoir, un style musical encore interdit il y a peu.
Publié dans l'édition MM 24 10 juin 2013
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