Base de données presse et documentaires francophones sur toutes les relations entre la Tunisie et la Suisse.
Tous domaines confondus (politique, histoire, culture, sport, etc.)
Ils s’appellent Maher, Amina, Molka, Sofiane, Zeineb, Nouha, Yosr et Youssr. Ils ont tous entre 24 et 32 ans, ont réussi leurs études supérieures en Tunisie et/ou à l’étranger et commencé une carrière professionnelle prometteuse. Activement investis dans la société civile, ils ont été sélectionnés pour participer au Sommet de Lugano 2018, des jeunes de la Méditerranée et du Moyen-Orient. Tout au long des dix jours du Forum qui a précédé le Sommet, avec près de 150 autres de leurs pairs venus de 30 pays, ils n’ont cessé de débattre, d’échanger, de confronter leurs expériences. Quitte à perdre nombre de leurs illusions avant d’aboutir à des initiatives à même de fonder une part de l’avenir. Ils se distingueront davantage au cours des séances plénières du Sommet, au Palais de Congrès, en participant aux panels de discussion et interpellant, par des questions pertinentes, les ministres, ambassadeurs, penseurs, et autres chercheurs intervenants.
Ravis de les rencontrer, les officiels tunisiens délégués au Sommet ont eu un vrai moment de bonheur à s’entretenir avec eux, sans langue de bois, en totale interaction. Le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Marouane El Abbassi, le premier conseiller auprès du président de la République, chargé de la Sécurité nationale, Kamel Akrout, le Secrétaire d’Etat auprès du ministre des Affaires étrangères, Sabri Bachtobji et l’ambassadeur de Tunisie à Berne, Mourad Bourehla ont prêté à ces jeunes une écoute attentive.
Maher Bayahi, 32 ans, était banquier à la City, Londres, spécialisé en private equity. Janvier 2011 sera un grand déclic pour lui. Il revient en Tunisie, rejoint MG, la chaîne de grande distribution, au département des ressources humaines où il considère qu’il peut être le plus utile. La fibre sociale et la volonté de servir l’emportent en lui au business. La grande propre interrogation qu’il se pose à chaque réveil : Comment pourrais-je être utile, à ma communauté ? Mûri par ses années au cœur de l’action en Tunisie, il affirme humblement, comme le pensent nombre de ses pairs : ‘’On est prêt à prendre le relais, en tant qu’acteurs de changement. Mais aussi à tisser le nécessaire et enrichissant lien générationnel.’’
Amina El Abed, est diplômée en Administration des Affaires (MSB) et en Relations diplomatiques (Mastère à Birmingham). Elle a notamment été auditeur interne en Chine. De retour à Tunis, elle a créé un cabinet international de conseil en stratégie, spécialisé dans la communication, la gestion de la réputation, la communication de crise, la prévention de l’extrémisme et de la radicalisation des jeunes. Ses clients sont des gouvernements, des organisations régionales et internationales, des centres d’étude et de recherche… Fière de ses origines tunisiennes ancrées à Nefta, dans le Djérid, Amina nourrit un grand projet pan-régional : réconcilier les jeunes avec leurs gouvernements, ‘’c’est-à-dire, les gouvernements avec la jeunesse de leurs pays’’, précise-t-elle.
Molka Abbassi, enchaine les diplômes et les pays d’études, puis de travail. Diplômée de l’IHEC Carthage, elle partira aux Etats-Unis, décrochera un mastère en Economie de Développement en Angleterre, approfondira ses études économiques à HEC Lausanne et sera accueillie en stagiaire à l’OCDE. Mais, c’est au Bureau international du Travail (BIT) à Genève qu’elle s’investit actuellement, en collaborant sur une grande étude à base de statistiques et de veille mondiale. ‘’De là où je suis, j’essaie d’incarner au mieux ma tunisanité, ma Tunisie, dira-t-elle. Bientôt, Molka Abbassi ira s’installer à Dubaï, au sein d’un grand cabinet international de conseil en stratégie. ‘’Mes choix essayent d’être raisonnés, lâche-t-elle, en toute modestie. Mon fil directeur est en fait d’acquérir le maximum de connaissances (knowledge) et de connaissances (network)… pour les mettre au service de la Tunisie quand j’y reviendrai, ce qui ne saurait tarder.’’ Avec un CV bien riche et un carnet d’adresses qui s’épaissit, Molka El Abbassi fera le bonheur des chasseurs de tête, pouvant lui garantir des packages annuels des plus attractifs dans de prestigieuses multinationales. Mais, son ambition est autre : ‘’La Tunisie, et l’Administration publique !’’ confie-t-elle en toute abnégation. Une leçon de conviction et un message d’espoir.
Sofiene Marzouki, 28 ans, est exceptionnel. Il a déjà créé un business incubateur à Niamey, puis son entreprise à Accra (Ghana), lancé une compagnie d’importation et de distribution de riz au Niger et bientôt en Côte d’Ivoire, contribué au développement de Jumiya en Egypte et le voilà maintenant en Tunisie depuis 18 mois. Sans cesser de développer son portefeuille d’affaires. Né aux Pays-Bas où sa famille avait émigré, il y suivra ses études puis les continuera au Norvège. A 16 ans seulement, il avait commencé à importer des produits à partir de la Chine pour les revendre en Hollande. Mais, c’est à l’âge légal de 21 ans, qu’il établira officiellement sa première expérience. Pourquoi ce retour en Tunisie, et pourquoi en ce moment, précisément ? Sofiane laisse parler son cœur et son intelligence. ‘’C’est un moment exceptionnel. Je dois y être !’’. Le choix d’un vrai ‘’Change-Maker’’.
Zeineb Chaouch a 24 ans et la passion du théâtre dans les gènes. Après une licence en Droit à la faculté des Sciences juridiques, elle est en 2ème année de mastère. ‘’En fait, tout se marie en moi : les arts et le droit, la société civile et plus tard la carrière professionnelle, le présent et l’avenir’’, nous confie-t-elle. Lugano sera pour elle son premier voyage à l’étranger, et une grande opportunité de ressourcement et de networking. ‘’Vous ne pouvez pas imaginer combien tous ses contacts et ces échanges sont stimulants pour moi’’, s’exclame Zeineb, la tête pleine de projets.
Nouha Belaid, diplômée de l’IPSI est journaliste, communicatrice et consultante. Son parcours universitaire et professionnel s’est croisé entre la Tunisie, la France, le Canada et d’autres pays. Très active dans les réseaux associatifs, elle s’implique dans les projets et débats sur les nouveaux médias et les enjeux de la communication. Là où elle va, elle n’oublie jamais de porter autour du cou une khomsa tunisienne, insiste-t-elle.
Yosr Belkhiria, 28 ans, est journaliste à l’Agence Tunis-Afrique Presse (TAP), après une première expérience à La Presse, dans la version électronique La Presse News. Parallèlement à une thèse de doctorat qu’elle s’apprête à finaliser et soutenir, elle s’implique dans l’associatif. Ses années d’études à Grenoble lui avaient déjà montré la voie. Mais, le contexte tunisien lui offre à présent des opportunités exceptionnelles d’accomplissement personnel… au service des autres.
Yosser Belguith, 24 ans, originaire de Sidi Makhlouf à Médenine est déjà une icône dans le Sud tunisien. Après des études en Business Administration et marketing, elle se décidera à s’établir à Médenine pour y ouvrir le premier coworking center. Tous l’en dissuadaient, mais sa détermination l’a emporté. Le succès n’a pas tardé à poindre. Et la voilà rayonnante de bonheur, partageant son expérience dans de nombreux forums où elle est sollicitée à l’étranger, et surtout à l’affût de nouveaux projets. Allier business et service à la communauté, les jeunes entrepreneurs de surcroît, est pour Yosser Belguith plus qu’une véritable vocation, une mission.
Ils sont dans les nouveaux codes
Huit profils en mosaïque dessinant les contours d’une nouvelle jeunesse tunisienne qui émerge, s’impose et promet. Ce qui les distinguent le plus, c’est ce degré de maturité dont ils font montre, leur modestie naturelle et leur volonté d’être utiles aux autres. Réussir pour eux n’est pas de se mettre sous les feux de la rampe, de gagner de l’argent et d’occuper de hautes positions professionnelles et sociales, mais de servir. Un autre mental qui rompt avec l’état d’esprit de nombreux jeunes leaders éblouis par les golden boys & girls. Ils sont dans les nouveaux codes, ce qui seront les plus profitables à la Tunisie. Lugano a le mérite de les révéler.
Taoufik Habaieb, envoyé spécial de Leaders à Lugano (Suisse)
Par Aline Jaccottet ,Publié lundi 13 août 2018 à 19:53, modifié mardi 14 août 2018 à 20:48.
Arlette Monnard-Elhajhasan, une Genevoise à l’âme arabe
Par amour et goût de l’aventure, l’Helvète a abandonné le confort de son pays pour s’immerger dans le monde arabe. Une exploration de toute une vie qu’elle ne regrette pas un instant
Ne vous fiez ni à sa blondeur ni à ses yeux verts: après quasi quarante ans passés au Proche-Orient et au Maghreb, Arlette Monnard-Elhajhasan est Arabe. Généreuse dans l’accueil, le verbe haut et l’émotion spontanée, ses gestes respirent l’aisance de ceux qui sont habitués à voguer d’un monde à l’autre. En Suisse, sa nature expansive détonne; en Tunisie, en Jordanie et en Cisjordanie, on s’étonne qu’une ajnabia (étrangère) maîtrise à ce point une langue et des codes si complexes. C’est qu’Arlette, infirmière de profession et originaire de Chambésy (GE), a vécu des années en Palestine rurale avant de s’établir à Djerba.
Un réveillon décisif
Son destin bascule à Londres, lors du réveillon du 31 décembre 1970. Elle qui était venue suivre une école d’infirmières rencontre Hasan, un étudiant en gynécologie palestinien. L’homme est issu de la tribu bédouine turkmène Achira qui vit depuis 1948 à Nazalwasta, petit village de Cisjordanie entre Tulkarem et Jénine. C’est le coup de foudre, puis le mariage et quatre naissances: Abdulmuti en 1972, Raya en 1974, Yasmine en 1975 et Khaled en 1977.
Hasan ne veut pas quitter l’Angleterre, mais Arlette, en mal d’exotisme, rêve de voir la Palestine. Sa persévérance a raison des réticences de son mari et le 15 mai 1979, la famille quitte Londres pour Nazalwasta, à la stupeur des parents et de la sœur d’Arlette. Laquelle atterrit dans un monde arabe rural qui lui réserve quelques difficultés. «J’ai eu de la peine à me faire à la séparation hommes-femmes pratiquée strictement par les Bédouins», dit-elle. Et puis, la vie est spartiate: pas de téléphone, des toilettes à la turque, des serpents et des lézards qui s’invitent à l’improviste dans la maison, des moustiques omniprésents… Surtout, Arlette doit se familiariser avec la langue et la culture de sa belle-famille. Tous les soirs, elle apprend un mot d’arabe, aidée par ses belles-sœurs et encouragée par son inénarrable belle-mère, Jitti, une vieille Bédouine ridée et tatouée qui mange avec les mains et avec force bruits de bouche. Arlette se fond tout entière dans cette nouvelle vie, embrassant l’islam qu’elle pratique dans un mélange serein de décontraction et de respect des traditions.
Mille naissances
Les quinze années qui suivent laissent peu de place aux regrets, aucune aux loisirs. Arlette l’infirmière et Hasan le gynécologue font équipe pour accoucher des centaines de femmes. «Pas une n’est morte entre nos mains», dit-elle avec fierté. Un exploit au vu de la dureté de la vie des mères souvent harassées par le travail des champs, et des conditions humaines et sanitaires des naissances. Lorsqu’elle revient en Suisse pour de courts séjours, Arlette ne s’y retrouve pas, entre la rigidité de sa famille qui l’étouffe et «les préjugés des gens qui avaient tant de peine à penser que j’étais la mère de ces quatre enfants qu’ils imaginaient que je travaillais comme nounou pour une famille saoudienne».
Exilée dans sa patrie
C’est pourtant en Suisse que la famille trouve refuge lors de la première Intifada. «Quitter la Palestine nous a brisé le cœur, mais les checkpoints, les militaires israéliens, la paranoïa, on n’en pouvait plus. Nos enfants adolescents auraient pu être arrêtés, voire pire», dit Arlette. Elle se préoccupe particulièrement du sort de son aîné, Abdulmuti, qui souffre de myopathie, une dégénérescence musculaire grave. Les Elhajhasan s’établissent à Saint-Imier, dans le Jura, où Hasan a trouvé un poste. Au soulagement d’être en sécurité succède rapidement la difficulté de l’intégration. «Nous avons été confrontés au racisme, à l’ignorance», raconte Arlette. Quatre ans plus tard, trois des quatre enfants partent étudier en Jordanie où ils se sentent bien plus à l’aise. Arlette et Hasan rentrent à leur tour en Cisjordanie, mais d’autres problèmes les attendent. «La corruption, l’autoritarisme, le clientélisme établis par le clan Arafat nous ont écœurés. On ne pouvait rien faire sans être membres d’un parti», explique-t-elle. Déçu de ce pays dans lequel il ne se reconnaît plus, le couple rentre en Suisse. Un drame les frappe alors: le rapt de leurs deux petits-fils en 2000 par leur père, un Palestinien de Cisjordanie. Il faudra des années à leur fille Raya, souffrant d’une grave anorexie qu’avait adoucie la maternité, pour surmonter cet arrachement. Deux ans plus tard, la vieille Jitti, la belle-mère bédouine adorée, rend l’âme.
Le pays de la liberté
Arlette tombe alors en dépression. «Les années à trimer, l’Intifada, la maladie de mes enfants, le kidnapping de mes petits-fils…, soudain, tout m’est tombé dessus», dit-elle. Elle réalise aussi combien le caractère possessif de Hasan lui pèse et décide de partir seule en vacances pour décompresser. «J’ai tapé «vacances + soleil» sur Google et je suis tombée sur une pub pour la Tunisie.» Ni une ni deux, Arlette débarque dans ce pays inconnu et en tombe amoureuse. «La nature, les paysages, la gentillesse des Tunisiens m’ont fait un bien immense.» La liberté l’appelle, elle répond: trois ans plus tard, à la stupeur de tous, elle divorce de Hasan sans rien lui demander. «Il m’avait déjà donné tout ce que j’aurais pu souhaiter», dit-elle. Arlette achète un appartement à Djerba, où elle vit depuis neuf ans. Revenir en Suisse, où ont fini par s’établir trois de ses enfants? A cette idée, elle rigole. «Ce pays est magnifique, propre et organisé, mais il ne me correspond plus. Je ne supporterais pas le train-train, l’ennui et la grisaille de la météo. Les gens sont si moroses… Décrocher un sourire dans les bus genevois, c’est un exploit!»
N’allez pas croire pour autant qu’elle tresse des couronnes à la Tunisie. «Certains endroits sont très sales, la corruption est omniprésente, les infrastructures sont défaillantes et la société est anarchique», fustige-t-elle. Sans jamais oublier la Palestine, c’est pourtant là qu’elle se sent chez elle, dans ce pays nouvellement libéré qui lui ressemble tant. Une Tunisie entre deux mondes, l’arabe et l’européen, passant de l’un à l’autre dans une quête identitaire à jamais inachevée.
Une Tunisienne, diplômée de la HEAD de Genève, peut-elle présente-t-elle un «intérêt scientifique ou économique prépondérant» pour le pays?
Boutheyna Bouslama a obtenu un master puis un postgrade, en juin, à la Haute Ecole d’art et de design (HEAD)Image: Olivier Vogelsang
Depuis quelques semaines en ville de Genève, 2000 imitations de livrets pour étrangers se cachent dans le tram, dans les bars ou sur les panneaux d’annonce de la Migros. Ils sont l’œuvre de l’artiste tunisienne Boutheyna Bouslama qui, à l’intérieur, questionne le statut administrativement délicat des artistes étrangers.
Ces tirages, distribués dans l’espace public, font partie d’un diptyque, composé d’une vidéo, Mama Habibti . Une jeune femme arabe lit un ensemble de lettres adressées à sa mère, lui faisant part de difficultés rencontrées à la frontière roumaine. Ce diptyque lui a permis de figurer parmi les trois lauréats des Bourses de la Ville, dont le Centre d’art contemporain expose actuellement les œuvres des seize nominés.
Mauvais signes
Ce n’est pas un hasard si la jeune trentenaire a choisi ce moment pour marquer son attachement à sa ville d’adoption. Ayant obtenu un master puis un postgrade, en juin, à la Haute Ecole d’art et de design (HEAD), son permis B d’étudiant extra-européen prend fin. Si la Loi sur les étrangers stipule que le bénéficiaire doit alors quitter la Suisse, l’initiative de l’ancien conseiller national Jacques Neirynck visant à éviter la «fuite des cerveaux» devrait faciliter les démarches pour l’obtention d’un permis de travail. Depuis janvier 2011, l’article 21 ajoute qu’un étranger titulaire d’un diplôme d’une haute école suisse reconnue peut obtenir un permis si son activité lucrative revêt un intérêt scientifique ou économique prépondérant. Il bénéficie de six mois à compter de la fin de sa formation pour trouver un tel emploi.
Pour Boutheyna Bouslama, il est déjà trouvé. Elle occupe un poste d’assistante à la HEAD, qui prend fin dans un an. Pourtant, les signaux sont mauvais. La direction générale de la HES-SO qui doit formuler la demande auprès de l’Office cantonale de la population (OCP) est plus que perplexe quant à l’obtention d’un tel permis. Le Centre de contact Suisses-Immigrés aussi: «Avec les accords bilatéraux, l’obtention de permis de travail s’est assouplie pour les membres de la Communauté européenne, et par un effet de vases communicants, s’est durcie pour les extra-Européens, explique la porte-parole Marianne Halle. Je serais très étonnée que dans le cas d’un artiste, la Suisse estime qu’il y a un intérêt prépondérant à ce que cette personne reste ici.»
Pour appuyer son dossier, Boutheyna Bouslama bénéficie du soutien de plusieurs personnalités. «Elle fait partie de la scène artistique genevoise, explique Christian Bernard, directeur du Mamco. J’ai eu vent de sa situation et je me suis proposé de faire les démarches nécessaires pour la soutenir. Genève a de la peine à attirer des artistes de l’extérieur, notamment à cause du coût de la vie. Si on ne fait rien pour favoriser le maintien des gens présents, la ville va perdre ses forces vives.»
La culture, une distraction?
Jean-Pierre Greff, directeur de la HEAD, affiche le même constat inquiet. «Il y a un autre problème sous-jacent: la perception de l’art comme un élément de distraction, qui n’est pas essentiel au développement économique de la cité. L’école compte moins de 5% de diplômés extra-européens. La plupart d’entre eux repartent. Leur pays d’origine bénéficie ainsi de leurs compétences et notre école se fait connaître au-delà des frontières. Mais ce serait une chance pour nous de pouvoir garder des gens d’une qualité particulière dès lors que nous avons la possibilité de les engager. C’est un moyen de favoriser le dynamisme de la scène genevoise.»
Selon Jacques Neirynck, la question ne devrait pas se poser: «Le terme «prépondérant» porte à des interprétations douteuses contre lesquelles il faut se battre. Dire que la culture n’a pas d’intérêt économique est un préjugé qui n’est pas inscrit dans la loi.» Le dossier sera bientôt remis entre les mains de l’OCP. Si sa décision se révélait négative, ce serait «un gâchis», note Barbara Fédier, qui suit l’artiste dans ses démarches. «Boutheyna est mon assistante depuis deux ans, je l’ai formée; ce serait incompréhensible de ne pas la laisser terminer son mandat.»
Une quarantaine de Tunisiens ont passé la journée de mercredi devant l'ambassade de Tunisie à Berne. Ils réclament leur passeport.
Les manifestants se disent prêts rester là aussi longtemps qu'ils ne recevront pas leur passeport.
Depuis lundi, des exilés exigent que les autorités tunisiennes leur remettent leur passeport, ce que celles-ci refusent. L'action est appelée à se prolonger.
Une trentaine de Tunisiens désirant rentrer au pays après le changement de régime se trouvaient encore en soirée devant l'ambassade, où des couvertures leur ont été apportées, a constaté un journaliste de l'ATS. Ils se disent prêts à passer la nuit et à rester là aussi longtemps qu'ils ne recevront pas leur passeport, un droit personnel, précisent-ils.
«Certains ont même donné les papiers nécessaires et ont reçu des promesses de la part des responsables de l'ambassade pour avoir leurs passeports aujourd'hui même», a écrit mercredi soir dans un communiqué le coordinateur du Comité de soutien du peuple tunisien (CSPT), Anouar Gharbi. «Ces promesses n'ont pas été respectées, ce qui a révolté les gens qui ont tellement envie de rentrer au pays après plusieurs années d'exil».
«Ces gens sont déterminés»
«Nous demandons donc à nos compatriotes fonctionnaires de l'ambassade de comprendre l'urgence de la situation et de faire le nécessaire pour délivrer les passeports dans les meilleurs délais», a ajouté le Comité de soutien. Jusqu'à maintenant, seuls cinq passeports ont été délivrés.
Selon M. Gharbi, ce mouvement, soutenu par son comité, est «spontané». Et il pourrait durer: «Ces gens sont déterminés», a-t-il averti. «Nous resterons là jusqu'à obtenir gain de cause», a confirmé sur place un immigré tunisien, Ibrahim Naouar.
Devant l'ambassade, dans le quartier des représentations diplomatiques de Kirchenfeld, le climat était parfois tendu mercredi, mais il est resté pacifique. On entendait ça et là des cris contre l'ex-chef de l'Etat Ben Ali. La police contrôlait la situation et se préparait, elle aussi, à passer la nuit là. (ats)
L’Ambassade de Suisse en Tunisie a rendu hommage ce lundi 17 septembre 2018 à un jeune étudiant tunisien, prénommé Wassim Dhaouadi récompensé par la prestigieuse Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), après avoir reçu le Prix de la meilleure moyenne toutes sections confondues avec une moyenne de 5,87 sur 6.
Wassim Dhaouadi est Bachelor en Génie Mécanique. Il a été honoré à l’EPFL au cours d’une cérémonie à laquelle l’ambassadeur de Tunisie en Suisse, Mourad Bourehla a pris part.
« Investissez de l’effort, Plus vous investissez plus vous serez récompensés:
-La motivation, peut nous porter loin, la même où nous imaginons inatteignable.
-Le travail, seul chemin légitime de la réussite et de l’accomplissement.
-La passion, source d’épanouissement, rien ne s’accomplit sans.
Mes remerciements a tous ceux qui m’ont instruit et supporté ces dernières années.
Mes remerciements à son Excellence l’Ambassadeur de Tunisie en Suisse Mr. Mourad Bourehla pour sa présence et ses félicitations.« Ainsi étaient les paroles de reconnaissance de l’étudiant après sa réussite.
C’est un diplomate de carrière, Etienne Thévoz, arabisant et africaniste que la Confédération suisse a désigné pour succéder à Rita Adam, en tant qu’ambassadeur à Tunis. A 62 ans, il aligne une expérience de 30 ans au sein de la diplomatie suisse. Originaire de Missy dans le Canton de Vaud, natif de Lausanne (1956) et titulaire d’une Licence ès Lettres de l’Université de Genève, il rejoindra dès 1988 le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et se verra confier après une année de stage le dossier Monde arabe.
De 1993 à 1996, Etienne Thévoz a suivi les dossiers politiques et la IVème Commission des Nations auprès de la Mission suisse d'observation à New York. En 1997, il a été transféré à Ryad en qualité de Premier collaborateur du Chef de mission, activité qu’il a également exercée de 2001 à 2004 à l’ambassade de Suisse en Belgique. Nommé Ministre en 2004, M. Thévoz est retourné à Berne pour y occuper le poste de Suppléant du Chef de la Division politique II Afrique/Moyen Orient.
En 2007, M. Thévoz est parti à Yaoundé en qualité d’Ambassadeur de Suisse au Cameroun, RCA et Guinée équatoriale. Après cette affectation en Afrique sub-saharienne, il ira dans les pays du Golfe. C’est ainsi qu’il sera successivement avant Ambassadeur de Suisse au Koweït et Bahreïn de 2011 à 2015, au Qatar jusqu’à l’été 2018.
M. Thévoz est marié et père de deux enfants. De langue maternelle française, il maîtrise l’allemand, l’anglais et est également arabisant.
Publié le 17. SEPTEMBRE 2018 - 17:33 par Rachid Khechana, Tunis
Au départ, il cherchait juste un ancrage pour son bateau. Aujourd’hui, avec ses deux associés, il exploite un domaine agricole bio. Histoire d’un coup de cœur pour la Tunisie.
David Rachex (à gauche), avec ses associés tunisien, français et suisse.
(swissinfo.ch)
Lorsqu’ils arrivent pour la première fois en Tunisie, à Hammamet, David Rachex, sa femme abPeggy et leurs deux garçons aujourd’hui âgés de 15 et 18 ans, ne cherchent rien d’autre qu’un anneau pour l’hivernage de leur bateau.
Mais très vite, la famille succombe au charme de la région. En partenariat avec deux autres promoteurs, un Tunisien et un Suisse, elle décide de valoriser un domaine agricole, à Takelsa, et d’y développer un projet d’arboriculture fruitière biologique.
Quatre ans après, les affaires ont prospéré. Aujourd’hui, la société «Bio Natura», chargée de la gestion de cette exploitation, exporte, avec succès, des produits de terroir bio. David Rachex raconte son parcours d’investisseur.
swissinfo.ch: Pourquoi avez-vous choisi de venir en Tunisie?
David Rachex: Quand nous sommes arrivés en 2007, c’était un peu par défaut. Nous cherchions une place pour l’hivernage de notre bateau, et nous ne l’avions pas trouvée en France à l’époque. Tout le monde nous disait de venir tenter notre chance en Tunisie, à la marina d’Hammamet.
Après quatre journées passées ici, nous sommes repartis enchantés. Il y a vraiment eu un coup de cœur. Nous avons compris que ce pays est complètement différent de l'image qu’on pouvait en avoir depuis l'Europe.
David Rachex en famille.
(swissinfo.ch)
Comment vous en êtes venu au projet agricole à Takelsa?
Notre ami Chiheb Khiari, qui est un promoteur à Tunis, m’a emmené un jour au Cap Bon [province agricole à l’est de la capitale] et m’a dit: «écoute, je te présente ce terrain, c’est le mien. Je voudrais y développer un projet agricole avec toi».
En arrivant sur place, j'ai eu un autre coup de cœur. L’emplacement est magnifique, mais ni moi ni notre partenaire suisse Jean Follonier n’avions la moindre expérience dans ce domaine. J’ai dit: «l'idée me plait beaucoup, mais je ne suis pas capable, je n'ai pas les compétences pour cela». Chiheb m’a répondu que faire du vin, cela pouvait s’apprendre, comme tout le reste.
On avait le terrain et les hommes, ne restait que l'envie. Nous sommes donc partis sur ce projet un peu fou, à Takelsa. Le terrain fait 90 hectares au total et à ce jour, nous en exploitons 25, dont 14 de vignes. C'est un environnement vraiment privilégié pour l'agriculture.
Comment se sont passés les premiers pas?
On a commencé à zéro. On a constitué la société, puis on a équipé les routes d'accès, installé un système d'irrigation et, bien sûr, planté des arbres: trois ans de travail.
Combien d'arbres avez-vous planté?
8000 oliviers, des grenadiers, des figuiers de barbarie, des amandiers et trois cépages de vigne sur la totalité des 14 hectares. On a également développé toute une filière par rapport à la stevia [plante dont on tire un édulcorant naturel] qui a le vent en poupe au Japon et aux Etats-Unis et même en Europe en ce moment.
Avez-vous souffert des tracasseries administratives en Tunisie?
En général, l'administration tunisienne est très compliquée, même si les individus en eux-mêmes font tout ce qu’ils peuvent pour vous aider. Le mécanisme demeure très lourd. C’est vraiment fatigant quand on n’y est pas habitué.
Par exemple, quand on a affaire à la douane pour importer ou exporter, c'est très compliqué. Avant la révolution, on était facilement approchés par des fonctionnaires corrompus du régime de l’ancien président.
Nous sommes une société et je ne suis pas le seul investisseur. Notre credo est de faire les choses avec rigueur et dans la légalité. C’est pourquoi, je m’étais interdit d’être tenté par tout recours aux moyens illégaux. Je ne pouvais pas engager mes associés dans de telles voies, car à mon avis c'est une vision à court terme. Parce qu’un jour ou l'autre il y aura un retour de manivelle.
Derrière la haie, le domaine des vignes et des fruits.
(swissinfo.ch)
Donc, vous avez résisté et refusé de jouer le jeu des corrupteurs?
Oui bien sûr, mais c'est dommage que la corruption ait été si répandue avant la révolution. Il y a beaucoup d'investisseurs qui ont essayé de lancer des projets ici mais ils ont très vite jeté l’éponge à cause de ce fléau. Car quand on veut exporter, la coopération avec des services administratifs et douaniers professionnels et intègres est capitale pour le succès de tout projet.
Par Fati Mansour. Publié lundi 28 septembre 2015 à 21:52.
Une victime qui résistait a eu le visage tailladé avec un couteau. Le prévenu, accusé de cinq brigandages aggravés commis durant la même nuit, voulait son téléphone. Récit d’audience
Les stigmates d’une violente nuit lausannoise
Vaud Une victime a eu le visage tailladé avec un couteau. Le prévenu voulait son téléphone
Devant la justice
On lui donnerait le bon Dieu sans confession. Poli, timide, tout en rondeurs. Et pourtant. Tarek, de son prénom d’emprunt, comparaît, tête très baissée, devant le Tribunal criminel de Lausanne pour une brutale virée nocturne. Une des victimes de cette série de cinq brigandages, le visage lacéré par plusieurs coups de couteau, porte encore les stigmates de ce déchaînement. «Je ne suis pas un ange, ni un diable», explique le prévenu qui ne se souvient pas de grand-chose mais veut bien tout avouer et tout regretter. «Ça fait du bien d’entendre des excuses», dira un plaignant quelque peu soulagé.
Les péchés
Né il y a 25 ans à Tunis, Tarek, habitué du séjour illégal et consommateur de stupéfiants de toutes sortes, cumule déjà des condamnations pour lésions corporelles et bagarres. A Milan, notamment, où il a agressé un prêtre qui priait dans la rue. Dans la capitale vaudoise, il reconnaît avoir sévi avec un comparse – arrêté et détenu en Italie – durant cette nuit du 3 novembre 2013 à la recherche de téléphones portables et d’argent. Les victimes, menacées avec un couteau, ont été bousculées ou rouées de coups et délestées de leurs biens. «Ils étaient agressifs mais aussi assez affolés», explique un des molestés.
La deuxième cible de ce duo infernal, qui cheminait pour aller dormir chez sa grand-mère, ose la résistance. Le jeune homme, qui avait eu de récentes mésaventures tardives, s’était armé de deux poings américains et d’un cran d’arrêt apparemment oublié dans une poche. Ces objets interdits lui vaudront une procédure pénale qui est pour l’instant suspendue. Et ce n’est pas tout. Frappé à la tête, Tarek explique avoir réagi en faisant des «mouvements de balayage» avec son couteau. L’acte d’accusation du procureur Christian Buffat retient plutôt que le prévenu a poignardé sa victime à réitérées reprises à la main, au front, au nez, à la gorge et à l’arrière du crâne. Les plaies ont nécessité une quarantaine de points de suture.
A la demande du tribunal, le miraculé, représenté par Me Miriam Mazou, s’est approché des juges pour montrer ses cicatrices. Une longue balafre sur sa joue gauche et une autre sur son nez. Déjà fragilisé par une dépression et par la perte de sa place d’apprenti laborantin, le jeune homme a très mal vécu cette agression. La peur de sortir, la méfiance envers les étrangers, la gêne quand les enfants pointent du doigt son visage, tout lui est encore difficile. «Je vous souhaite du fond du cœur un bon rétablissement», répète le prévenu. La présidente lui suggère de lever la tête et de regarder sa victime lorsqu’il veut s’excuser.
L’alcool et la drogue aidant, Tarek, défendu par Me Pierre Charpié, assure qu’il ne se rappelle pas les détails de sa dérive. Il sait que les substances le rendent assez mauvais alors il doit bien admettre que tout cela est possible. En prison, il a continué à fumer du cannabis et s’est attiré quelques mises au cachot. Aujourd’hui, sa carrure massive et son esprit conciliant se dépensent dans la poterie et la cuisine. Après sa peine, que le tribunal fixera ce jeudi, le jeune homme veut rentrer au pays. Mais ça, c’est encore une autre histoire.
Réconcilier le Tunisien avec l’Administration ! Un vœu pieux
tant notre administration, jadis des plus performantes dans le monde
arabo-musulman, a été vicié et gangrené par des partis omniprésents,
intervenant dans tout, se mêlant de tout et dont l’une des premières
tâches auxquelles ils se sont attelés a été la marginalisation des
compétences pour y mettre les parvenus grâce aux allégeances.
Fort heureusement, il y en a qui échappent au lot, qui ont fait du travail leur religion et de la Tunisie leur foi. Riadh Bezzarga, directeur coordinateur du Fonds d’appui à la
compétitivité et au développement des exportations “TASDIR+“, financé
par la Banque mondiale, est décidé à consolider la présence de
l’entreprise tunisienne à l’international pas en
Afrique seulement -où le taux de croissance atteint les 8% par an- mais
sur les marchés lointains tels le Brésil, la Chine, le Japon ou encore
l’Indonésie. En fait, partout où les produits tunisiens peuvent être
convoités et où les opérateurs économiques peuvent identifier des
niches, s’implanter et se projeter ne se limitant pas à des actions
ponctuelles.
WMC : Tasdir+, c’est la phase finale du programme de soutien à
l’export financé par la Banque mondiale (BM). Quelle est l’approche de Riadh Bezzarga pour la mener à terme et optimiser ses résultats ?
Riadh Bezzarga : Tout d’abord plantons le décor.
Tasdir+ pèse 17 millions d’euros. C’est un programme financé par la
Banque mondiale. Son objectif principal est de soutenir nos opérateurs
privés à diversifier leurs marchés à l’export.
Exporter oui, mais il ne s’agit pas que de cela, il est aussi
important de varier les marchés et de bien positionner nos entreprises à
l’international à travers des antennes commerciales et surtout de
manière très étudiée pour ne pas rater le coche.
Donc, en ce qui nous concerne, nous accompagnons les entreprises en
réalisant des business-plan que nous leur proposons, pour qu’elles
adoptent les meilleures stratégies sur les marchés porteurs.
Contrairement au FOPRODEX (‘Fonds de promotion des exportations,
NDLR) et aux actions du CEPEX (Centre de promotion des exportations),
programmes d’opportunités que l’entreprise sollicite pour un soutien
financier et technique sur le court terme, nous, nous proposons un
programme technique qui s’étale sur une année.
Nous intervenons également au niveau de la certification des produits à exporter et facilitons l’accès au réseau d’acheteurs.
Les opérateurs qui réussissent à identifier les personnes ressources
et à tisser des liens professionnels solides sur place peuvent réussir
la gageur de s’installer durablement sur un marché.
Pour nous, s’attaquer à tous ces axes avant de convoiter un marché
est indispensable. C’est cette ceinture qui permet de sécuriser
l’investissement.
Quand vous dites ceintures, il s’agit de quoi exactement ?
Nous ne sommes pas dans la logique du menu mais dans celle des
programmes à la carte. Nous avons, pour chaque entreprise, deux types de
ceintures. La première est individuelle. L’entreprise vient à nous et
nous sollicite pour l’accompagner sur tel ou tel marché. Nous lui
offrons une subvention et un appui technique. La subvention peut
atteindre les 150.000 dinars pour chaque entreprise ; ensuite, nous
assurons le suivi pour que, une fois son business-plan bouclé, elle
puisse atteindre ses objectifs.
L’autre ceinture touche les filières. Nous appuyons les secteurs par
filières (agroalimentaire, textile, services, composants automobiles,
etc.).
Pensez-vous que l’adhésion de la Tunisie au COMESA pourrait
offrir de nouvelles opportunités à nos exportateurs avec votre soutien ?
Quand les opérateurs veulent accéder à une zone difficile, ou un
marché lointain, ils viennent vers nous et expriment leur volonté de s’y
implanter. Avec aujourd’hui l’adhésion de notre pays au COMESA
(Marché commun des pays d’Afrique de l’Est et australe, NDLR), ils
peuvent, grâce à notre appui logistique, y développer leurs activités
tous seuls ou via des partenariats.
il nous faut, en tant que Tasdir+, atteindre le chiffre de 600 entreprises parrainées par notre programme qui s’étale sur 5 ans.
Qu’il s’agisse de l’appui individuel ou de l’appui par filière, il
nous faut, en tant que Tasdir+, atteindre le chiffre de 600 entreprises
parrainées par notre programme qui s’étale sur 5 ans.
L’enjeu ou le défi pour nous est de prouver, par A + B, que les
entreprises soutenues par Tasdir+ ont été performantes. C’est-à-dire
qu’elles ont fait plus d’exportations que d’autres et ont réussi leur
politique de diversification en accédant à des marchés qui sont
difficiles.
Il s’agit pour nous de les accompagner de manière à ce qu’elles
deviennent plus compétitives et qu’elles occupent des positions
honorables sur les marchés conquis. Il y a une cellule export qui a pour
unique mission de les accompagner à tous les niveaux.
Est-ce que vous avez des programmes spécifiques PME/PMI et d’autres grands groupes ?
Nous traitons de la même manière tous les acteurs économiques
concernés par notre programme. Nous adoptons une approche qui nous est
propre : actuellement que nous sommes à mi-parcours, nous réalisons que
le programme est un succès grâce aux évaluations régulières auxquelles
nous procédons.
Les entreprises appuyées par Tasdir+ durant les deux premières années
réussissent mieux que d’autres qui ne le sont pas. Et là je parle
chiffres à l’appui. Mais nous pouvons mieux faire, et c’est la raison
qui nous a incités à revoir notre process et à procéder à la
restructuration du programme.
au terme de l’achèvement du contrat de partenariat, les
entreprises font une baisse sur les marchés où elles se sont implantées,
ça n’a pas de sens, car au cœur du programme il y a le principe de la
pérennisation de l’œuvre entrepreneuriale.
Nous tenons à maximiser nos résultats, or diagnostic établi, nous
avons réalisé qu’il y a deux volets importants à prendre en
considération : l’accompagnement ne s’est pas fait sur le long terme.
Conséquence, au terme de l’achèvement du contrat de partenariat, les
entreprises que nous avons soutenues font une baisse sur les marchés où
elles se sont implantées. Cela n’a pas de sens, car au cœur du programme
il y a le principe de la pérennisation de l’œuvre entrepreneuriale.
L’autre volet c’est celui de l’instauration, au sein de
nos propres institutions tunisiennes, des bonnes pratiques en formant
notre administration à être plus imaginative, plus souple, plus
réceptive et moins procédurale
Le FAMEX (Fonds d’accès aux marchés extérieurs, NDLR) ou Tasdir+
n’étant pas éternels, nous avons donc conçu un modèle d’accompagnement
intelligent de manière à ce que nos entreprises ne soient pas
durablement dépendantes des appuis du programme et de ses fonds pour
exister sur les marchés conquis ou convoités lorsque notre partenariat,
avec elles, prendra fin.
L’autre volet c’est celui de l’instauration, au sein de nos propres
institutions tunisiennes, des bonnes pratiques en formant notre
administration à être plus imaginative, plus souple, plus réceptive et
moins procédurale pour faciliter autant qu’elle le peut le travail de
nos opérateurs.
Tasdir+ peut-il entreprendre des actions dans le cadre d’une politique plus agressive en matière de diplomatie économique ?
La diplomatie économique doit être portée par nombre d’institutions.
Notre ministère des Affaires étrangères a mis en place toute une
stratégie pour la développer, et c’est très bénéfique pour nos acteurs
économiques à l’export. Tasdir+ est un programme avec une deadline et
des objectifs à atteindre. Nous, nous sommes dans l’encadrement de nos
entreprises, nous sommes leurs relais.
Si elles ont des problèmes au niveau du transport maritime, avec les
administrations publiques ou avec la BCT dans le transfert de fonds,
nous recueillons ces informations et nous nous adressons aux
institutions concernées pour leur donner un coup de main. Mais notre
mission ne consiste pas à résoudre leurs problèmes à ces niveaux. Nous
ne voulons pas nous disperser.
Nous restons un programme de soutien à l’export, et c’est dans ce
cadre que nous intervenons. C’est pour garantir une efficience maximale à
nos actions.
Nous aurions aimé avoir ne serait-ce qu’un petit centre
opérationnel regroupant les ministères du Commerce, du Transport, des
Affaires étrangères, de la Coopération internationale, les Douanes et la
BCT
Théoriquement, l’échange des informations existe au niveau de
certaines institutions, et il y a des cellules dont la mission consiste
pour chacune à faciliter le travail de l’opérateur, mais peut-être que
ce qui nous manque est de savoir et de pouvoir orchestrer tout cela de
manière harmonieuse et adaptée aux contextes national et international.
Nous aurions aimé avoir ne serait-ce qu’un petit centre
opérationnel regroupant les ministères du Commerce, du Transport, des
Affaires étrangères, de la Coopération internationale, les Douanes et la
BCT pour plus de réactivité de la part de nos différentes
administrations aux attentes des opérateurs privés.
Qu’avez-vous fait vous-même pour satisfaire aux exigences du contexte économique national, régional et international ?
Nous avons mis en place, en coordination avec le CEPEX, un système de
vases communicants pour que la masse d’informations que nous
recueillons sur les entreprises qui nous sollicitent et sur les marchés
dans lesquels elles sont installées ou qu’elles convoitent soit bien
structuré et ciblé. Aujourd’hui, nous avons une plateforme et un
logiciel qui gère toutes les informations touchant au programme
Tasdir+ : entreprises, marchés concernés, appui aux entreprises, mode
d’appui, mode de sélection, produits, suivi des entreprises. Tout cela
est digitalisé et est enregistré et archivé au CEPEX, ce qui n’a jamais
été fait auparavant.
Deuxièmement, nous avons procédé à un nouveau mode de sélection pour
ce qui est des entreprises et qui garantit une évaluation rigoureuse du
programme. Nous nous sommes inspirés d’une méthode appliquée par la
Banque mondiale qui consiste en un nouveau mode de sélection baptisé
“Random Selection“. Il s’agit d’une méthode qui doit garantir une
sélection aléatoire d’un échantillon d’opérateurs, soit des entreprises
que nous choisissons au hasard pour faire partie du programme et nous
procédons à une évaluation a posteriori.
Avant d’adopter cette méthode, il y avait des critères
d’éligibilité. L’entreprise postule et nos experts se déplacent sur
place et voient par eux-mêmes si elle répond réellement aux critères
d’éligibilité
Avant d’adopter cette méthode, il y avait des critères d’éligibilité.
L’entreprise postule et nos experts se déplacent sur place et voient
par eux-mêmes si elle répond réellement aux critères d’éligibilité.
Suite à cette première évaluation, nous décidons si nous devons
l’appuyer ou pas.
Aujourd’hui, c’est totalement différent. Prenons l’exemple du secteur
des services qui pourrait être appliqué à tous les secteurs. Supposons
que dans ce secteur il y a 200 entreprises candidates et que parmi ces
200 entreprises, la moitié seulement est retenue par notre programme. La
sélection n’est plus en fonction d’un scoring comme c’était le cas des
appels à candidatures mais elle se fait par rapport à la pertinence
opérationnelle du projet et son adéquation par rapport au potentiel et
aux ressources de l’entreprise.
Supposons que parmi les 100 présélectionnées, il y a 50 petites
entreprises, 30 moyennes, et 20 grandes entreprises. Grâce au système
Random Selection, nous aurons deux groupes d’entreprises éligibles, dont
50% appuyées par le programme, et 50% non soutenues. Celles-là
constitueront le groupe de contrôle.
Pourquoi, me diriez-vous ? Parce que ce sont des entreprises
comparables au niveau de la taille, du volume des affaires, du
savoir-faire, des performances et ainsi de suite. La moitié non
bénéficiaire permettra au programme de comparer ses performances à
l’exportation par rapport au groupe sélectionné. Ceci étant et quel que
soit le groupe d’entreprises éligibles qui sont retenues pour la
sélection, chaque entreprise est certaine qu’elle a une chance sur deux
d’être sélectionnée quoi qu’il en soit.
Comment voyez-vous le rôle des entreprises dans la réussite
du partenariat avec votre programme et quelle est leur responsabilité ?
Cela dépend de la qualité du management de chaque entreprise, de ses
choix et de sa capacité à tirer le meilleur de notre collaboration et du
programme Tasdir+.
La Random Selection est le Nobel en matière de programme
d’accompagnement à l’entrepreneuriat ; il met fin à un procédé de
présélection qui peut léser certaines entreprises pour des raisons non
fondées.
La Random Selection est le Nobel en matière de programme d’accompagnement à l’entrepreneuriat
La Tunisie mène la première expérience dans le monde arabe et en
Afrique en la matière. Il a fallu 6 mois de négociations avec nos
partenaires historiques et nos institutions pour les convaincre de la
justesse de notre démarche. Ils ont fini par comprendre que les moyens
dont nous disposons ne nous permettent pas d’aider plus de 600
entreprises, sélection aléatoire ou pas.
Le message fort est qu’il s’agisse d’une entreprise basée à Regueb, à
Metlaoui ou dans un quartier résidentiel de Tunis, Sfax, Sousse,
Jendouba ou Tataouine ou Kébili, tout le monde peut bénéficier de ce
programme. C’est très important et permet de mettre fin à la
marginalisation des entreprises basées ailleurs que dans le centre et
qui se considèrent comme ignorées et méconnues. Grâce à la Random
Selection, tous les opérateurs savent qu’ils peuvent être dans le
programme.
Grâce à la Random Selection, tous les opérateurs savent qu’ils peuvent être dans le programme
Nous visons également la minimisation de la paperasse, de manière à
ce qu’à partir du moment où l’entreprise est intégrée dans Tasdir +, ses
dépenses puissent être très rapidement remboursées dans un délai
maximum de deux semaines.
Et est-ce que la Random Selection vous donne plus de
garanties en matière de pérennisation des activités des entreprises dans
les pays où elles se sont implantées ?
Eh bien, mise à part l’évaluation rigoureuse globale du programme,
nous procèderons à l’examen rigoureux de chaque produit et de chaque
action. Dans le business-plan, nous avons incorporé les composants
développement du produit, participation aux salons et prime à l’export.
A titre d’exemple, cette prime peut profiter aux petits agriculteurs qui exportent à destination de l’Europe.
Quel impact de cette évaluation sur les futurs programmes d’appui initiés par le CEPEX?
Grâce aux critères d’évaluation précis que nous avons mis en place,
le CEPEX ou le FOPRODEX pourront revoir leur appui aux entreprises en
fonction de ces résultats qu’elles réalisent et à leurs performances. Ce
qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Mais il y a plus important, nous estimons que l’approche Random
Selection peut être généralisée à d’autres domaines d’activités
socioéconomiques. Nous avons ouvert une brèche qui peut être bénéfique
pour d’autres secteurs. Nous voulons instaurer une culture
«d’opportunisme» économique dans le sens noble du terme.
Notre programme doit pouvoir, avec les variables existantes, aller de l’avant malgré les obstacles et écueils de tout ordre.
Nous avons choisi le chemin le plus difficile, le plus long, mais
nous avons réussi à convaincre tous nos partenaires, et là nous
avançons. Nous avons entamé, depuis deux semaines, le lot 3 de Tasdir+
en adoptant la Random Selection.
Combien d’entreprises avez-vous appuyées à ce jour ?
278 entreprises et, comme je l’ai déjà spécifié, nous visons de faire
profiter de notre programme 600. Mais nous pouvons faire plus surtout
si nous devons appuyer les filières pour qu’elles arrivent à bien se
positionner sur les marchés internationaux pérennisés.
Nous avons amorcé notre programme par la filière des TIC qui s’est
imposée au Salon Mobile World à Barcelone ; un Salon de référence pour
ce secteur. Nous avons réalisé que ce Salon est très pertinent pour que
nos entreprises exportent en Afrique et dans le monde arabe.
Nous avons appuyé 70 entreprises et, aujourd’hui, il y a un retour
sur investissement très important. Nous ne sommes pas encore dans
l’évaluation qui se fera dans 6 mois. Les échos sont positifs et c’est
rassurant.
Notre deuxième action concerne les marchés suisse et allemand sur
lesquels nous voulons augmenter nos exportations en huile d’olive bio.
La Tunisie a un quota de mille tonnes en suisse mais n’en exporte que
200 tonnes, alors qu’en Suisse il y a un programme public qui aide des
pays comme la Tunisie à accroître leurs exportations sur son marché, il
s’agit du Swiss Import Promotion Program (SIPPO).
Nous en avons discuté avec le CEPEX et nous avons invité un expert
suisse à venir en Tunisie. Il a bien étudié la filière et le marché et a
constaté que le potentiel tunisien est énorme et que nous pouvons bien
nous positionner sur le marché de l’huile d’olive bio.
Nous allons lancer une action “vendeurs“ en Allemagne et en Suisse au
mois de novembre prochain et ramener avec nous 6 ou 7 entreprises
suisses pour établir le contact avec nos producteurs et faciliter
l’exportation de l’huile d’olive bio vers ces pays.
Vous savez que pour ces deux pays, la labellisation et le
respect des normes européennes pour tout ce qui touche à
l’agroalimentaire sont indispensables.
Il y a deux types d’actions que nous pouvons entreprendre dans ce
sens. Nous avons des entreprises qui sont d’ores et déjà prêtes et
labellisées bio. Elles peuvent être rapidement opérationnelles.
Il y a celles qui auront besoin d’une aide pour la labellisation de
leurs produits, et veulent l’appui de Tasdir+ pour certifier leurs
produits ou les développer. Nous pouvons les aider et nous comptons
tenir une série de réunions avec les groupements interprofessionnels de
l’agroalimentaire, avec les Chambres mixtes pour voir ce que nous
pouvons faire dans chaque pays et selon qu’il soit intéressé par un
produit plutôt qu’un autre.
Nous avons remarqué, à titre d’exemple, que l’artisanat tunisien de
luxe intéresse le marché britannique. Si jamais des opérateurs, ou 8 ou 9
artisans veulent créer un showroom, ou un point de vente sur place,
nous sommes preneurs et nous donnerons notre appui technique et
logistique. C’est pour cela que nous avons ouvert la brèche des actions
transversales structurantes.
Et si vous nous parliez des défis auxquels vous faites face ?
Ils sont en premier culturels. Nous devons expliquer aux entreprises
qu’exporter est une démarche et un positionnement que nous devons
gagner, maintenir et garder. Ce n’est pas parce qu’aujourd’hui la Libye
s’est fermée que nous devons nous tourner vers l’Algérie. Chaque marché
est important et a ses spécificités. Un business-plan n’est pas valable
sur tous les marchés, ce n’est pas du copie/coller. Il faut travailler
là où les opportunités se présentent et communiquer avec nos partenaires
dans le respect des différences entre les uns et les autres.
Ce n’est pas parce qu’aujourd’hui la Libye s’est fermée
que nous devons nous tourner vers l’Algérie. Chaque marché est important
et a ses spécificités
Tasdir+ est dans la pérennisation de la présence de nos entreprises à
l’international, nous ne sommes pas dans les actions ponctuelles. Nous
sommes différents du CEPEX.
Un autre défi est celui de l’administration. Parce que pour pouvoir
réussir la simplification des procédures, il a fallu batailler : il y a
des lois et de la résistance. Quand un opérateur a une subvention, il
lui faut des justificatifs, des documents et des cachets à n’en pas
finir. Nous voulons changer cet état des choses et, dans certains cas,
nous avons pu le faire, mais pas dans d’autres. Nous ne sommes pas
encore dans l’administration numérique à 100% mais nous avons gagné la
bataille de la standardisation de certaines procédures.
Par exemple : pour les frais de voyage, nous demandions le talon du
billet d’avion, la facture de l’agence et le transfert de la banque,
maintenant c’est plus simple, l’opérateur ramène une copie du passeport
(sortie et entrée du pays en question), et nous avons les données sur
les tarifs appliqués à la date où il s’est déplacé, il est
automatiquement remboursé.
Les Turcs et les Chinois partent à l’étranger en
conquérants et non en concurrents, chez nous le leitmotiv est celui du
cavalier seul
Le troisième défi concerne le marché international, car concurrencer
les produits turcs ou chinois, ce n’est pas facile du tout, et là c’est
une question de mentalité. Eux, ils partent à l’étranger en conquérants
et non en concurrents, chez nous le leitmotiv est celui du cavalier
seul.
Dans d’autres pays, vous allez dans un pavillon espagnol ou turc,
vous demandez après tel ou tel produit, si vous ne le trouvez pas sur
place, on vous oriente vers un compatriote. Ils font en sorte que vous
n’échappiez pas à leur réseau national, ce n’est malheureusement pas le
cas pour la Tunisie, et c’est culturel. Au lieu de gagner des parts de
marchés en étant ensemble, nous les perdons en les abordant
individuellement ! Lorsque vous voyez l’agressivité commerciale des
Croates, Brésiliens, Turcs ou Chinois -et je les ai vus à l’œuvre en
Algérie, où j’ai représenté le CEPEX pendant des années-, c’est tout
simplement époustouflant et admirable.
Justement, comment faites-vous pour réussir votre politique communicationnelle et sensibiliser sur ces questions?
Nous avons utilisé la stratégie communication du programme économique
et qui doit être ciblée et percutante. Nous sommes en train de
travailler sur notre site web, là où il y a des vidéos avec une
simplification du programme Tasdir+ et comment y adhérer. En plus, il y a
la communication institutionnelle de Tasdir+. Et nous comptons y
procéder à travers les médias, mais également des workshops, des
séminaires et des tables rondes.
Notre communication doit toucher tous les acteurs économiques sur le territoire national d’une manière intelligente.
En somme, nous voulons être dans le corps à corps si vous me
permettez l’expression. Nous nous déplacerons dans les régions, nous
attaquerons les secteurs un par un ainsi que les filières. Notre
communication doit toucher tous les acteurs économiques sur le
territoire national d’une manière intelligente.
Nous avons une petite équipe mais nous croyons en l’intelligence
collective. Je ne pense pas que, en organisant un grand séminaire et en y
ramenant tout le monde pour parler pendant des heures, et gaver
l’assistance de discours, nous réussirons à communiquer comme il se
doit. Nous ne sortirons que quand nous avons des choses à dire sur le
programme.
Si j’organise une table ronde avec l’Ordre des ingénieurs, je dois
auparavant identifier ma population cible, découvrir ses attentes et
mettre en place des propositions concrètes qui peuvent les intéresser
immédiatement et les inciter à être réactifs.
Même approche pour les cliniques, les agriculteurs, les services,
l’industrie, le BTP et j’en passe. Il faut une communication à la carte.
Nous devons également attaquer des secteurs comme le tourisme
alternatif, le golf, ou ceux qui ne sont pas appuyés par le CEPEX, comme
le marché boursier, les intermédiaires en Bourse, les assureurs. Nous
allons frapper à leurs portes pour leur dire “venez, Tasdir+ peut vous
appuiera pour aller sur des marchés étrangers et les conquérir“.